Voici l’excellente présentation du Dr Fabien Stucker sur Lithium et rein.[1]
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Le lithium est le traitement de premier choix dans la prise en charge et la prévention des rechutes des troubles bipolaires.
La preuve de l’effet bénéfique du lithium sur les maladies mentales est attribué au psychiatre australien John Cade : cette découverte fut l’effet du hasard, car croyant que l’urée était responsable de ces maladies, in injecta à des cobayes de l’urate de lithium, et constata qu’au contraire l’injection possédait un effet calmant, il publia ses résultats en 1949.[2]
Cependant on connaissait depuis l’Antiquité romaine l’effet bénéfique des eaux thermales, souvent chargées de lithium, sur les manies et mélancolies: Soranos d’Ephèse (98-177), qui étudia à Alexandrie et exerça à Rome comme gynécologue, préconisait les bains et l’absorption d’eaux minérales provenant de sa ville natale, qui contiennent effectivement du lithium comme on l’a su beaucoup plus tard.
A partir de 1880 des médecins recommandèrent le lithium contre la goutte et les rhumatismes, mais des doses excessives conduisirent à des accidents, ce qui entraina son retrait de la pharmacopée. Au XXe siècle les « lithinés du docteur Gustin » étaient des pastilles contenant du bicarbonate de sodium et un peu de lithium, donnant avec de l’eau une boisson pétillante, conseillée pour l’arthrite.
Après la découverte de Cade, la FDA autorisa à nouveau l’emploi des composés du lithium pour le traitement des maladies mentales (troubles obsessifs compulsionnels, syndrome bipolaire, et même désintoxication des adeptes du cannabis), évitant aux patients les méthodes barbares de la lobotomie et des chocs électriques. A en croire les « lithothérapeutes » un pendentif en pétalite protège contre les ondes négatives, celui en kunzite lutte contre la dépression.
L’utilisation des sels de lithium depuis de si nombreuses années a permis de mieux comprendre les risques rénaux associés à une exposition de longue durée. Il existe principalement deux atteintes rénales secondaires à la prise prolongée de lithium. Le diabète insipide néphrogénique est la plus fréquente, survenant à moyen terme, suivi de la néphrite tubulo-interstitielle chronique, apparaissant à plus long terme. L’hypercalcémie est une autre complication d’un traitement de longe durée de lithium. Enfin, un syndrome néphrotique ou une acidose tubulaire rénale peuvent être observés mais sont plus rares.
La cellule principale du tube collecteur est la cible principale de l’effet néphrotoxique du lithium qui est caractérisée par une dérégulation de l’aquaporine-2 (AQP2). Cette dérégulation est la conséquence d’une accumulation de lithium à l’intérieur de la cellule, via le canal sodium épithélial (ENaC) qui entraîne une inhibition de signal via la glycogène synthase kinase type 3ß (GSK-3ß). Cela entraîne une diminution de la perméabilité à l’eau des cellules principales et une perte d’eau. Cette situation correspond à un diabète insipide néphrogénique (DIN) et se traduit par une perte du pouvoir de concentration des urines, une polyurie et une hypernatrémie. Le traitement du DIN est l’amiloride qui bloque l’ENaC, empêchant le lithitum d’entrer dans la cellule.[3]
En cas d’intoxication aiguë, il faut hydrater le patient et arrêter les néphrotoxiques. Il n’y a pas de consensus clair pour l’indication à la dialyse, mais elle doit être discutée en cas de symptômes sévères neurologiques (coma, épilepsie, léthargie), cardiaques et rénaux (IRA, troubles électrolytiques) ou en cas de contre-indication à l’hydratation. Les taux sériques élevés (> 2.5 mmol/l) sont mal corrélés à la toxicité (accumulation tissulaire) et c’est la clinique qui doit primer.
Afin d’éviter les effets secondaires du lithium, la posologie doit être adaptée de façon à obtenir une concentration plasmatique thérapeutique de lithium la plus basse possible. La surveillance des taux de lithium doit se faire de manière consciencieuse surtout chez les patients âgés et les patients atteints de pathologies cardiaques ou rénales.
Source
Lithium et atteinte rénales chroniques: un sujet toujours d’actualité.
1. Grünfeld J-P, Rossier BC: Lithium nephrotoxicity revisited. Nat Rev Nephrol 2009, 5:270–276.
2. Cade JFJ: Lithium salts in the treatment of psychotic excitement. Med J Aust 1949, 2:349–352.
3. Bedford JJ, Weggery S, Ellis G, McDonald FJ, Joyce PR, Leader JP, Walker RJ: Lithium-induced nephrogenic diabetes insipidus: renal effects of amiloride. Clin J Am Soc Nephrol 2008, 3:1324–1331.
Bonjour, mon père est insuffisant rénal et est dialysé 3X par semaine. Son néphrologue envisage une grève. Cependant, nous sommes très inquiets car d’une part il a de gros problèmes sanguins (nécrose veine jugulaire, opération d’un anévrisme, angioplastie et pose d’un stent) et d’autre part il est maniaco- dépressif donc sous lithium afin d’éviter des épisodes « bipolaires » qui l’ont parfois conduit en HP. Pensez-vous qu’une telle opération est réellement envisageable car les risques nous semblent énormes. Merci pour votre réponse.
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Une greffe me semble plus judicieuse… Désolée pour le lapsus, il se fait tard et je suis inquiète… Merci pour votre compréhension
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Chère Emmanuelle,
Avant d’envisager une greffe rénale, il y a tout un bilan à effectuer qui dira si votre père est apte à bénéficier d’une telle opération. Si les risques sont trop grands, il faudra renoncer à une telle entreprise. Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus, sans connaître votre père.
Bien à vous
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Bonjour, suis bipolaire et aussi dialysée, puis je prétendre au lithium svp ? Tous les autres traitements de l humeur ont échoués hélas ! Merci bonne journée à vous.
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Bonjour,
La prise de lithium avec une insuffisance rénale chronique est contre-indiquée car difficile à doser et risque d’effets secondaires. La dialyse va éliminer le lithium ce qui rend son dosage encore plus compliqué.
Bien à vous
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Bonjour,
Pour la petite histoire
J’ai 31 an et je suis traitée depuis 1 an par lithium et Xeroquel pour des troubles bipolaires et borderline. Ce traitement m’aide beaucoup mais ce matin, j’ai eu pour la 2ème fois en 1 semaine une crise de ce qui semble être une « colique néphrétique » qui m’a clouée au sol dans d’atroces souffrances. J’en ai parlé à mon compagnon médecin qui m’a dit qu’il pouvait s’agir de calculs rénaux d’après la description que je lui ai faite des symptômes. Les voici : à 2 reprises, je me suis levée vers 7h avec la sensation d’avoir envie d’uriner et un poids très fort au niveau du bas ventre/vessie, ensuite impossible d’uriner et en quelques secondes la douleur a atteint son paroxysme dans toute la région du bas ventre (organes génitaux, vessie et peut-être côlon), j’avais des spasmes toujours dans le bas ventre (utérus ou vessie) et en même temps des spasmes de l’estomac (mais il était vide je n’avais rien à vomir) si bien que je ne sais comment me positionner pour faire face à la douleur et anticiper (en gros est-ce que j’allais d’abord faire pipi ou vomir…), de toute façon il était trop tard pour aller chercher une bassine… Je finis cette crise épuisée, allongée sur le sol. Lorsque le plus gros de la crise est passée, j’ai pu me lever et j’ai pris du spasfon. Néanmoins, j’ai ensuite dormi toute la matinée tant la crise m’a épuisée. Plus tard, j’ai pu uriner sans pb. Très perturbée par ce qui c’était passé, j’ai lu quelques articles sur le sujet et je ne me reconnais qu’à moitié dans les descriptions car pour ma part la douleur était insoutenable (échelle 9 sur 10 : je n’aurais par exemple pas pu faire le trajet pour aller chercher une bassine ou du spasfon). Je pense maintenant que j’ai mal évalué la gravité et aurais dû réveiller mon ami et appeler les urgences plutôt que de souffrir dans mon coin (La vérité c’est que pendant la crise j’avais peur que l’on m’ouvre le ventre pour voir ce qui s’y passe si j’allais aux urgences…C’est très bête et un peu puéril…) En attendant, j’ai pris rdv avec mon généraliste pour lui en parler et qu’il me prescrive des analyses ou des examens sachant que ces 2 crises sont espacées de 3 jours.
Questions d’ordre médical
Pensez-vous qu’il puisse en effet s’agir de coliques néphrétiques et potentiellement de calculs rénaux ou bien est-ce à côté de la plaque? Quels examens pratiquer pour investiguer? S’il s’agit de cela, est-ce possible que ce soit lié à l’augmentation récente (1 mois) du lithium (désormais 2 comprimés 1/2 de LP400 par jour)?
Dernière information peut-être utile, le lithium « dérègle » ma Tyroïde (TSH) mais comme elle est compensée par les autres hormones et que je n’ai pas mauvaise mine le psychiatre et l’endocrinologue ont dit qu’on pouvait augmenter le lithium sans soucis.
Je vous remercie par avance de votre réponse et serais ravie de pouvoir lire votre avis de spécialiste sur ce pb. Bonne journée à vous.
Anaïs
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Chère Anaïs,
C’est possible !
Prise en charge colique néphrétique
Bien à vous
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