Les anticoagulants de type antivitamines K (AVK*) ne sont pas sans risque pour les patients avec insuffisance rénale chronique (IRC). C’est ce que nous montre le Dr Pham dans son excellent colloque de pratique clinique AVK et insuffisance rénale : une association sans risque?
*AVK = Sintrom®, Marcoumar® Warfarin®
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Le Dr Pham a ensuite publié un excellent article sur le sujet dans la Revue Médicale Suisse Anticoagulants de type antivitamine K: effets délétères potentiels chez les patients avec une IRC
Je m’étais déjà intéressé à Fibrillation auriculaire et anticoagulation en dialyse, et je ne reviens pas sur ce point. Par contre, des atteintes rénales liées aux anticoagulants de type antivitamine K sont maintenant décrites depuis quelques années:
- effets délétères connus sur la fonction rénale: hématurie, néphrite interstitielle, vasculites.[1, 2]
- augmentation de l’athérogènèse: contenu calcique de la plaque augmenté par la prise d’AVK (par diminution de la MGP (matrix-Gla-protein), un puissant inhibiteur de la calcification).[3, 4]
- augmentation du risque d’AVC chez les patients en dialyse avec fibrillation auriculaire (cf lien plus haut)
- néphropathie liée à la warfarine (warfarine-related nephropathy)
Cette dernière entité, la néphropathie liée à la warfarine, est définie comme un épisode d’insuffisance rénale aiguë inexpliquée avec augmentation de la créatinine d’au moins 26.5 µmol/l (0.3 mg/dl) durant la semaine où l’INR est supérieur à 3, sans épisode d’hypovolémie liée à une spoliation sanguine.[5] Les biopsies rénales effectuées lors de cette atteinte montrent des lésions tubulaires aiguës, des érythrocytes dans les espaces de Bowman et de nombreux cylindes d’hématies obstruant les tubules. Une étude sur plus de 4’000 patients anticoagulés par AVK semble montrer que cette atteinte peut également survenir chez des patients sans IRC.[6]
Les AVK dans la population générale, et plus spécialement chez les insuffisants rénaux chroniques, semblent augmenter le risque d’IRA et d’accélération de l’IRC, mais aussi la mortalité.
Implications pratiques (reprises de l’excellent article du Dr Pham)
- Lorsque l’indication à une anticoagulation par AVK est posée chez les patients en IRC, il est impératif de procéder à des contrôles réguliers de l’INR.
- Celle-ci est plutôt déconseillée chez les patients en hémodialyse âgés de plus de 75 ans.
Source
1. Avidor Y, Nadu A, Matzkin H: Clinical significance of gross hematuria and its evaluation in patients receiving anticoagulant and aspirin treatment. Urology 2000, 55:22–24.
2. Kapoor KG, Bekaii-Saab T: Warfarin-induced allergic interstitial nephritis and leucocytoclastic vasculitis. Intern Med J 2008, 38:281–283.
3. Drüeke TB, Massy ZA: Atherosclerosis in CKD: differences from the general population. Nat Rev Nephrol 2010, 6:723–735.
4. Schlieper G, Westenfeld R, Krüger T, Cranenburg EC, Magdeleyns EJ, Brandenburg VM, Djuric Z, Damjanovic T, Ketteler M, Vermeer C, Dimkovic N, Floege J, Schurgers LJ: Circulating nonphosphorylated carboxylated matrix gla protein predicts survival in ESRD. J Am Soc Nephrol 2011, 22:387–395.
5. Brodsky SV, Collins M, Park E, Rovin BH, Satoskar AA, Nadasdy G, Wu H, Bhatt U, Nadasdy T, Hebert LA: Warfarin therapy that results in an International Normalization Ratio above the therapeutic range is associated with accelerated progression of chronic kidney disease. Nephron Clin Pract 2010, 115:c142–6.
6. Brodsky SV, Nadasdy T, Rovin BH, Satoskar AA, Nadasdy GM, Wu HM, Bhatt UY, Hebert LA: Warfarin-related nephropathy occurs in patients with and without chronic kidney disease and is associated with an increased mortality rate. Kidney Int 2011, 80:181–189.