Hyperaldostéronisme primaire

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Cette pathologie consiste en une hypersécrétion autonome inappropriée d’aldostérone avec suppression de la rénine. L’aldostérone agit au niveau du tubule distal en retenant du sodium (avec perte de potassium et de proton hydrogène), augmentant ainsi le contenu du corps en sodium et induisant une hypertension artérielle. L’hyperaldostéronisme primaire est responsable de 1-10% de toutes les hypertensions artérielles.[1] C’est la cause endocrinienne la plus fréquente d’hypertension artérielle secondaire.

Les paramètres cliniques et biologiques varient grandement d’un patient à l’autre. Il peut être asymptomatique ou se présenter avec une hypokaliémie, une alcalose métabolique et une légère augmentation du sodium (qui aide à faire la distinction avec une HTA essentielle traitée par diurétique ou le sodium est normal-bas). En cas d’hypokaliémie sévère, on assiste à des troubles neuro-musculaires (crampes, tétanie…), des troubles du rythme cardiaque (allant jusqu’à des torsades de pointe) et un diabète insipide néphrogénique (syndrome polyuro-polydypsique).

L’aldostérone en excès induit des dommages cardiovasculaires indépendants de la pression artérielle.[2]

Les causes d’hyperaldostéronisme primaire sont le syndrome de Conn (adénome de la surrénale produisant de l’aldostérone) dans environ 70% des cas et l’hyperplasie bilatérale des surrénales dans environ 30% des cas.

Il est important de définir l’étiologie de l’hyperaldostéronisme, car les atteintes unilatérales peuvent être traitées par chirurgie avec succès, tandis que les atteintes bilatérales sont traitées par médicaments.[2]

Pour faire le diagnostic, la mesure du potassium a été considérée comme un test de dépistage, mais n’est abaissé que dans 50-80% des cas (d’où la sous-estimation). Une perte de potassium urinaire peut être documenté (> 30 mmol par jour). Le rapport entre la concentration d’aldostérone plasmatique et l’activité de la rénine plasmatique (PAC/PRA) est le test communément employé pour faire le diagnostic. L’augmentation de la sécrétion d’aldostérone diminue la production de rénine et ce rapport augmente. Il faut stopper de nombreux médicaments (bétabloquants, agoniste central alpha2,  AINS, inhibiteur de la rénine, diurétique, IECA, sartan, anti-calcique) pour faire ce test et corriger la kaliémie. Attention aux valeurs et aux unités qui varient d’un laboratoire à l’autre

  • PAC/PRA = 4-10
  • Hyperaldostéronisme si PAC/PRA 30-50
  • PAC > 20 ng/dl et PAC/PRA > 30 ont une sensibilité et spécificité de 90% pour diagnostiquer un adénome sécrétant de l’aldostérone.

Il existe d’autres examens pour confirmer le diagnostic comme une diète riche en sodium durant 3  jours ou une perfusion de NaCl 0.9% qui doit supprimer la sécrétion d’aldostérone, une test de suppression à la fludrocortisone, un CT ou une IRM des surrénales pour localiser des tumeurs de > 1.5 cm et un cathétérisme des veines surrénales est parfois nécessaire pour faire la distinction entre un adénome et une hyperplasie des surrénales (important pour la prise en charge chirurgicale).

Le traitement consiste à utiliser la spironolactone (un antagoniste du récepteur aux minéralocorticoïdes) à une dose initiale de 50-100 mg (la plupart des patients auront besoin de 100-200 mg par jour). Les effets secondaires sont la gynécomastie, l’impotence, des règles irrégulières et des désordres gastriques. L’éplérenone est une alternative.  En cas de persistance d’une hypokaliémie, il faut ajouter l’amiloride à la dose de 5-20 mg. D’autres médicaments anti-hypertenseurs sont souvent nécessaire pour contrôler la TA.

En cas d’adénome unilatérale, celui-ci doit être retiré avec 70% des patients qui sont normotendus après une année.

Certains proposent un essai de spironolactone dans tous les cas d’hypertension résistante.

Voici un algorithme de démarche diagnostique avec comme condition pour rechercher un hyperaldstéronisme primaire: hypokaliémie (spontanée ou induite par diurétique); HTA grade 2 ou 3 résistante; HTA précoce et/ou AVC (< 50 ans); parent du premier degré avec un hyperaldo primiaire; présence d’une masse surrénalienne (incidentalome); atteinte d’organe cible (…)[2]

Source

1. Rossi GP, Bernini G, Caliumi C, Desideri G, Fabris B, Ferri C, Ganzaroli C, Giacchetti G, Letizia C, Maccario M, Mallamaci F, Mannelli M, Mattarello M-J, Moretti A, Palumbo G, Parenti G, Porteri E, Semplicini A, Rizzoni D, Rossi E, Boscaro M, Pessina AC, Mantero F, PAPY Study Investigators: A prospective study of the prevalence of primary aldosteronism in 1,125 hypertensive patients. J Am Coll Cardiol 2006, 48:2293–2300.

2. Chatton-Chambaz I, Pechère-Bertschi A: Primary hyperaldosteronism. Rev Med Suisse 2011, 7:1736–1742. [télécharger l’article en français au format PDF (643 Ko)]

5 commentaires

  1. -L’excès de consommation de réglisse provoque un magnifique « syndrome de Conn-like »
    c’est plutôt rare… à vrai dire le seul que j’ai jamais vu je l’ai diagnostiqué quand j’étais externe en cardio (dans les années 70…), sur un patient interné 3 jours pour une batterie de tests pour explorer son S de Conn.(Pas de scanner et encore moins de RMN à l’époque).

    Mais l’externe DOIT remplir une observation minutieuse, y compris les signes négatifs, et j’avais appris qu’il faut demander aux hipertendus s’ils consomment du réglisse. consciencieuse j’insiste :et l’antésite, vous en buvez? OUI!, Ah! ça y est je tiens mon 1º diagnostic, mais je n’ose pas y croire:
    Enfin je lui demande: beaucoup? oui, tous les jours, à tous les repas,ça fait 10 ans que je ne bois que ça,depuis que ma femme m’a demandé d’arrêter l’alcool.
    Ça m’a donné le courage d’annoncer mon diagnostic pendant LA visite
    Ça a jeté un froid… puis on a eu droit a un speech sur l’importance de l’interrogatoire « policier »et puis bravo :c’est ce qu’on appelle un diagnostic d’externe.
    Je n’aurais pas dû m’enhardir jusqu’à suggérer qu’en fait de tests on pourrait faire un test de sevrage de l’antésite,ça serait moins onéreux; ça n’a pas plus du tout au chef de service car c’est lui qui avait fait rentrer le patient.
    Le malade s’est tapé tous ses examens. La conclusion a été intoxication á la réglisse… et le chef de service m’a gardé une rancune tenace! (heureusement pas les autres praticiens du service)
    Raah! quand je pense que dans le pays où j’ai émigré la réglisse est parfaitement inconnue!

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    1. Chère Kyra,

      Merci de nous faire partager votre expérience et surtout de nous rappeler l’importance d’une anamnèse minutieuse.

      Dans le cas d’ingestion de réglisse, c’est l’acide glycyrrhizique (acide lycyrrhizinique, glycyrrhizine, liquorice ou licorice) qui est le principe actif. On en trouve dans les boissons à base de réglisse (Antésite®, concentré de réglisse à diluer) ou des produits solides (bâtons de réglisse…) La glycyrrhizine agit par inhibition de l’enzyme 11ß-hydroxystéroïde deshydrogenase 2 (11ßHSD2), qui métabolise le cortisol en cortisone (relativement inactive). En inactivant la 11ßHSD2, la glycyrrhizine permet l’activation permanente du récepteur des minéralocorticoïdes par le cortisol (10 à 100 fois plus présent que l’aldostérone dans le plasma), et ainsi une réabsorption non régulée et excessive du sodium. La différence avec un syndrome de Conn est que l’aldostérone et la rénine sont basses.

      Bien à vous

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