Calculs d’oxalate de calcium et chirurgie bariatrique

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Il est maintenant bien établi que la chirurgie bariatrique (du grec: haros = poids et iatrein = traitement) constitue une part importante du traitement de l’obésité morbide. Les techniques chirurgicales modernes, notamment le court-circuit (by-pass) gastrique en Y de Roux  et la diversion biliopancréatique sont très fréquemment à l’origine d’une hyperoxalurie qui peut entraîner des lithiases d’oxalate de calcium.

Tiré de www.planetesante.ch (Traiter l'obésité avec la chirurgie)
Tiré de http://www.planetesante.ch (Traiter l’obésité avec la chirurgie)

Le mécanisme de cette hyperoxalurie est multifactoriel.[1] Normalement les oxalates sont absorbés au niveau de la membrane apicale des entérocytes du côlon, surtout par diffusion passive fonction de la quantité soluble disponible. Dans la lumière intestinale, ils forment, avec le calcium, des complexes insolubles et peu absorbables par ces entérocytes. Les courts-circuits intestinaux vont, quant à eux, donner lieu à une augmentation de l’absorption digestive des oxalates et à une augmentation de leur élimination urinaire.

L’augmentation de l’absorption digestive des oxalates s’explique par le fait qu’un court-circuitant l’utilisation de la bile et des enzymes pancréatiques pour la digestion, une malabsorption des graisses et des sels biliaires est induite (d’où une stéathorrhée) dont la concentration va augmenter dans la lumière intestinale. Le calcium va former dans celle-ci des complexes avec les acides gras à longue chaîne (saponification), ce qui raréfie le calcium restant disponible pour se complexer avec les oxalates. Ainsi rendus libres, ces derniers forment des sels d’oxalate (de sodium ou de potassium) très solubles et facilement absorbés au niveau du côlon. Par ailleurs, au niveau des sels biliaires, localement accrus, la glycine conjuguée peut subir, par les bactéries, une dégradation en glyoxylate, substrat de l’oxalate. De plus, d’éventuelles antibiothérapies prolongées et/ou répétées vont interférer avec la microflore colique, détruisant Oxalobacter formigenes, une bactérie anaérobie Gram négatif qui régule l’homéostasie de l’oxalate dans le tube digestif. La conjonction de tous ces phénomènes va augmenter la quantité d’oxalates solubles livrés à l’absorption intestinale passive.

L’augmentation de l’élimination urinaire des oxalates est secondaire à l’hyperabsorption digestive, l’oxalate étant librement filtré par les glomérules et sécrété par les cellules tubulaires proximales. En outre, la diarrhée généralement chronique est responsable d’une diminution de la diurèse qui, à son tour, majore cette sursaturation.

Les autres facteurs de risque pour la survenue de calcul d’oxalate de calcium après chirurgie bariatrique sont l’hypocitraturie, l’hypomagnésurie et éventuellement une acidose tubulaire rénale qui pourrait s’installer avec l’hyperoxalurie.

La fréquence de calcul d’oxalate de calcium après chirurgie bariatrique varie de 4 à 40 p. 100 selon les séries et la durée d’observation post-opératoire.[2] Des précisions statistiques permettraient de juger s’il est licite de proposer une chirurgie malabsorptive aux patients ayant des antécédents de lithiases d’oxalate de calcium et s’il faut traiter préventivement tous les patients opérés.

L’insuffisance rénale peut être l’aboutissement de lithiases multiples, récidivantes et/ou compliquées. L’insuffisance rénale chronique rapportée dans les suites d’une chirurgie bariatrique, bien que rare, est en général due à une néphropathie à l’oxalate.[3]

Principes du traitement de l’hyperoxalurie entérique

Le traitement doit s’efforcer de limiter les apports alimentaires en oxalate, de corriger la malabsorption des graisses, la diarrhée, l’acidose métabolique, l’excès de concentration des urines, l’hypomagnésurie, l’hypocitraturie, et le déficit en ions calcium dans la lumières intestinale. Voir Anomalies biologiques retrouvées lors d’un bilan de lithiase urinaire

L’hydratation doit être correcte pour obtenir une diurèse à plus de 2 litres par jour. Les apports hydriques se répartissent sur toute la journée afin de favoriser la dilution des urines tant diurnes que nocturnes. On préférera les eaux riches en calcium (et contenant du magnésium) dont l’absorption fractionnée diminuera l’absorption intestinale des oxalates.

Concernant les apports alimentaires en oxalate, voir Tout savoir sur l’oxalate dans la maladie lithiasique

Il faut limiter les apports en graisses pour diminuer la stéatorrhée, en ciblant surtout celles à chaîne longue. Les triglycérides à chaîne moyenne (margarine Cérès®, huile Diétélip®) peuvent être conservés car ils n’augmentent pas la perméabilité colique et ne captent pas les ions divalents (calcium et magnésium) dans la lumière intestinale.

Un apport fractionné de calcium de l’ordre de 1 à 2 g par jour de calcium-élément (3 à 4 g de calcium) est indiqué pour complexer les ions oxalate dans la lumière intestinale. Une supplémentation en vitamine D est souvent nécessaire, guidée par le dosage de la vitamine D native.

Il faut apporter, en tant qu’inhibiteur de la cristallisation, magnésium et citrate de potassium.

Les chélateurs des oxalates et des sels biliaires présentent un intérêt variable (hydroxyde d’aluminium, cholestyramine, chlorhydrate de sevelamer).[6]

La recolonisation de l’intestin par des micro-organismes consommant de l’oxalate tels que Oxalobacter formigenes a été proposée pour réduire l’absorption intestinale de l’oxalate, mais l’efficacité à long terme de cette mesure apparaît incertaine.[5]

Il faut connaître cette complication de la chirurgie malabsorptive afin de prévenir la survenue de lithiases d’oxalate de calcium et qu’ainsi les réels avantages de ce traitement ne soit par remis en causes par ses risques.

Voir aussi

 Tout savoir sur l’oxalate dans la maladie lithiasique
Calcul rénal d’oxalate de calcium
Anomalies biologiques retrouvées lors d’un bilan de lithiase urinaire
Recommandations diététiques en cas de calculs rénaux
Il était une fois la maladie de la pierre

Source

Lithiase urinaire 2e édition

  1. Chirurgie bariatrique, lithiase oxalo-calcique et insuffisance rénale par néphropathie oxalique Néphrol Thér 2011
  2. Prevalence of Hyperoxaluria after Bariatric Surgery J Urol 2009
  3. Oxalate Nephropathy Complicating Roux-en-Y Gastric Bypass: An Underrecognized Cause of Irreversible Renal Failure Clin J Am Soc Nephrol 2008
  4. Hyperoxaluria and calcium oxalate nephrolithiasis after jejunoileal bypass A J Clin Nutr 1977
  5. Oxalobacter formigenes May Reduce the Risk of Calcium Oxalate Kidney Stones J Am Soc Nephrol 2008
  6. Use of sevelamer hydrochloride as an oxalate binder J Urol 2009

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5 commentaires

  1. bonjour Vincent,
    l’été dernier, alors en fin d’internat, nous avons eu une patiente bien singulière: l’IRA au décours d’une sleeve gastrectomie a mis en évidence une précipitation tubulaire massive de cristaux d’oxalate. Elle n’avait aucun antécédant personnel ni familial, et une créat normale auparavant. Elle n’a pas récupéré et est actuellement en dialyse en attente d’une transplantation rein-foie, une mutation homozygote de l’AGT ayant été mise en évidence.
    Cas exceptionnel au vu de la littérature, la physiopathologie théorique de la malabsorption des graisses est mise à mal, mais la chronologie criante.

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