Rein et infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) [1]
L’épidémiologie des néphropathies chez les patients infectés par le VIH s’est considérablement modifiée. La prévalence de la néphropathie associée au VIH (HIV-associated nephropathy ou HIVAN) a diminuée depuis l’utilisation des HAART (highly active antiretroviral therapy). Cependant, l’incidence de l’insuffisance rénale terminale dans cette population reste stable depuis la fin des années 1990. En effet, la période actuelle voit l’émergence d’atteintes rénales nouvelles, conséquence en partie des comorbidités et de l’exposition aux nouvelles thérapeutiques antirétrovirales (ARV).
Prévalence de l’insuffisance rénale chronique liée au VIH
La prévalence de l’insuffisance rénale chronique (IRC), définit comme un débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 60 ml/min et/ou une protéinurie supérieure à 1 g/L est de 15.5% dans une cohorte newyorkaise de 1239 patients infectés par le VIH et pour la plupart d’éthnie afro-hispanique.[2] Le risque d’insuffisance rénale terminale aux Etats-Unis est six fois supérieure dans la population infectée par le VIH que dans la population non atteinte par le VIH.[3] Dans la cohorte européenne EUROSIDA la prévalence d’IRC est de 4% avec comme facteurs de risque l’âge, le sexe féminin, l’HTA, le diabète, la dyslipidémie, un taux bas de CD4 et l’exposition à l’indinavir, à l’atazanavir et au ténofovir.[4]
Etiologies de l’insuffisance rénale chronique liée au VIH
On retrouve comme étiologie à cette atteinte rénale, les néphropathies directement liées à l’infection par le VIH (HIVAN, glomérulopathies à complexes immuns, microangiopathies thrombotiques), l’exposition à de nombreux néphrotoxiques (antibiotiques, chimiothérapies, produits de contraste iodés, ARV néphrotoxiques) et les facteurs de risques cardiovasculaires classiques (HTA, diabète, dyslipidémie, tabagisme, surpoids). De plus, les sujets originaires d’Afrique subsaharienne ont un risque quatre fois plus important de développer une insuffisance rénale terminale de part une susceptibilité génétique particulière au développement de la hyalinose segmentaire et focale (HSF).[5]
Recommandations américaines pour le suivi rénale des patients infectés par le VIH
La reconnaissance d’un risque accru d’atteinte rénale dans la population infectée par le VIH a conduit l’Infectious Disease Society of America (IDSA) à formuler en 2005 des recommandations pour le dépistage systématique de l’insuffisance rénale chronique au diagnostic par la recherche d’une protéinurie à la bandelette urinaire et l’estimation du DFG. Ce bilan doit être répété annuellement chez les patients issus de population noire, diabétique, hypertendus, co-infectés par le virus de l’hépatite C dont les CD4 sont inférieurs à 200/mm3 ou la charge virale VIH est supérieure à 4’000 copies/mL, et une évaluation néphrologique est recommandée en présence d’une protéinurie d’une croix ou plus et/ou si le DFG est inférieur à 60/ml/min/1.73 m2.[6]
Néphrotoxicité des antirétroviraux
Un certain nombre d’ARV dont l’élimination est rénale, nécessite une adaptation posologique dès que le DFG est inférieur à 50 ml/min/1.73 m2. Par ailleurs, une néphrotoxicité propre est observée avec certains ARV, selon trois mécanismes principaux: réaction immunoallergique interstitielle, précipitation intratubulaire avec ou sans formation de lithiases et toxicité tubulaire directe.
Conclusion
Une grande incertitude persiste concernant l’impact à long terme sur la fonction rénale de l’exposition aux différents ARV, comme on le voit actuellement avec le ténofovir.[7] L’évaluation régulière du DFG et de la protéinurie, le diagnostic précoce d’une atteinte rénale et le contrôle strict des facteurs de risque cardiovasculaire sont essentiels dans cette population plus à risque de développer une insuffisance rénale terminale.
Source
1. Plaisier E, Lescure F-X, Ronco P: Rein et infection par le virus de l’immunodéficience humaine. Presse médicale (Paris, France : 1983) 2012:1–9.
2. Wyatt CM, Winston JA, Malvestutto CD, Fishbein DA, Barash I, Cohen AJ, Klotman ME, Klotman PE: Chronic kidney disease in HIV infection: an urban epidemic. AIDS 2007, 21:2101–2103.
3. Lucas GM, Mehta SH, Atta MG, Kirk GD, Galai N, Vlahov D, Moore RD: End-stage renal disease and chronic kidney disease in a cohort of African-American HIV-infected and at-risk HIV-seronegative participants followed between 1988 and 2004. AIDS 2007, 21:2435–2443.
4. Mocroft A, Kirk O, Reiss P, De Wit S, Sedlacek D, Beniowski M, Gatell J, Phillips AN, Ledergerber B, Lundgren JD, EuroSIDA Study Group: Estimated glomerular filtration rate, chronic kidney disease and antiretroviral drug use in HIV-positive patients. AIDS 2010, 24:1667–1678.
5. Medapalli RK, He JC, Klotman PE: HIV-associated nephropathy: pathogenesis. Curr. Opin. Nephrol. Hypertens. 2011, 20:306–311.
6. Gupta SK, Eustace JA, Winston JA, Boydstun II, Ahuja TS, Rodriguez RA, Tashima KT, Roland M, Franceschini N, Palella FJ, Lennox JL, Klotman PE, Nachman SA, Hall SD, Szczech LA: Guidelines for the management of chronic kidney disease in HIV-infected patients: recommendations of the HIV Medicine Association of the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2005, 40:1559–1585.
7. Scherzer R, Estrella M, Li Y, Choi AI, Deeks SG, Grunfeld C, Shlipak MG: Association of tenofovir exposure with kidney disease risk in HIV infection. AIDS 2012, 26:867–875.