La cystinurie est une maladie lithiasique rare à fort potentiel de récidive.[1] Elle est caractérisée par une altération du transport rénal de 4 acides aminés dibasiques, la cystine, la lysine, l’arginine et l’ornithine. La cystine se caractérise par son insolubilité en particulier lorsque le pH urinaire est inférieur à 7. L’élévation de sa concentration urinaire entraîne la formation de calculs. La lithiase cystinique représente environ 1 pourcent des lithiases observées chez l’adulte et près de 10 pourcent de celle observées chez l’enfant.
Calcul de cystine (tiré de référence 1)
Sur le plan génétique, des mutations ont été décrites sur le gène SLC3A1 du chromosome 2 et le gène SLC7A1 du chromosome 19.[2] La transmission se fait sur le mode autosomique récessive.
Le diagnostique génomique n’est pas nécessaire à la décision thérapeutique, qui dépend principalement de la cystinurie (cf plus bas).
Le diagnostic clinique n’a rien de spécifique: colique néphrétique chez le grand enfant, hématurie, enclavement lithiasique. Sur le plan radiologique, la cystine est faiblement radio-opaque, nettement moins que les calculs calciques. L’échographie et surtout l’uro-CT permettent un bilan complet de la distribution des lithiases sur l’arbre urinaire. Macroscopiquement, les calculs sont jaunes-clairs, à contours discrètement irisés. Le diagnostic est affirmé par la mise en évidence d’une cystinurie élevée. La valeur normale de cystinurie est inférieure à 30 µmol/mmol de créatinine. Lorsqu’un fragment lithiasique est disponible, son analyse par spectrométrie à infrarouge permet de faire le diagnostic.
Le diagnostic de certitude repose sur la chromatographie des acides aminés urinaires, qui montre une augmentation exclusive de la concentration urinaire de la cystine et des trois acides aminés dibasiques.
La prise en charge thérapeutique est double, médicale pour prévenir la récidive lithiasique et chirurgicale pour les lithiases constituées.[3]
En l’absence de traitement étiologique capable d’agir sur le défaut de réabsorption tubulaire de la cystine, le traitement palliatif vise à amener la concentration urinaire de cystine libre et le pH urinaire à un niveau permettant la solubilisation de la cystine excétée dans les urines.[4, 5]
Réduction de l’excrétion urinaire de la lithiase cystinique |
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Solubilisation de la cystine |
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Transformation de la cystine en disulfure mixte soluble |
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Le régime alimentaire doit être pauvre en aliments salés. Il faut réduire des aliments riches en méthionine (morue séchée, viande de cheval, écrevisse, gruyère, poisson, oeuf, foie…), métabolisée en cystine dans l’organisme. Ce régime pauvre en protéine est cependant difficile à suivre et peut être délétère chez l’enfant en pleine croissance.
Les apports hydriques doivent être importants (3 litres par j avec comme but osmolalité < 200 mOsm/l ou densité < 1010) pour diminuer la concentration urinaire de cystine. Une hyperdiurèse d’au moins 3 litres par jour doit être maintenue en permanence, avec prise abondante de boisson au coucher et à l’occasion de tout réveil nocturne.
Il est indispensable d’augmenter la solubilité de la cystine en alcalinisant les urines (pH > 7.5). L’alcalinisation peut se faire par le citrate de potassium (6 à 9 g par jour) ou par le bicarbonate de sodium (8 à 16 g par jour). L’apport de sodium par ce dernier traitement tend à majorer le débit de cystinurie mais ne doit pas remettre en cause son efficacité comme traitement alcalinisant de la cystinurie. L’eau de Vichy permet d’assurer à la fois la dilution et l’alcalinisation des urines (voir article Eau de VICHY Célestins) en apportant environ 3 g de bicarbonate de sodium par litre. L’acétazolmamide (Diamox®) augmente le pH urinaire en bloquant la réabsorption tubulaire proximale du bicarbonate. Il peut être proposé comme un moyen supplémentaire d’alcaliniser les urines.[6]
Les sulfhydryles ont la propriété de diminuer la cystinurie en transformant la cystine en cystéine, substance beaucoup plus soluble (but cystinurie < 100 µmol/mmol ou volume cristallin < 3000 µ3/ mm3)
- D-pénicillamine (Trolovol®, comprimés dosés à 300 mg): 2 à 4 cp/j.
- alpha-mercaptopropionyl-glycine ou tiopronine (Acadione®, comprimés à 250 mg): 2 à 4 cp/j
La moitié de la dose doit être prise au coucher. La posologie doit être progressivement croissante, en commençant par 2 cp/j et en surveillant l’absence d’apparition d’une protéinurie. La D-pénicillamine peut entraîner un déficit en vitamine B6 par liaison de la pyridoxine. Un supplément de vitamine B6 (50 mg/j) est recommandé chez les patients traités au long cours par D-pénicillamine.
L’utilisation des sulfhydryles expose à de nombreux effets secondaires de type immuno-allergique (éruptions cutanées, arthralgies), de leuco-thrombopénie, de polymyosite et de protéinurie. Une surveillance biologique (tests hépatiques, hémogramme complet, protéinurie) régulière est nécessaire.
Le captopril est également un sulfhydryle et a été proposé pour le traitement de la cystinurie chez les patients hypertendus. Son effet à dose maximal (150 mg) semble toutefois marginal.[7-10]
Les patients atteints de cystinurie doivent être suivis tout au long de leur vie. En effet, certains peuvent évoluer à long terme vers l’insuffisance rénale chronique, voire terminale.
Source
1. Buisson P, Haraux E, Hamzy M, Ricard J, Canarelli JP, Boudailliez B, Braun K: Cystinurie chez l’enfant: à propos de 4 observations. Arch Pediatr 2011, 18:553–557.
2. Rosenberg LE, Downing S, Durant JL, Segal S: Cystinuria: biochemical evidence for three genetically distinct diseases. Journal of Clinical Investigation 1966, 45:365–371.
3. Knoll T, Zöllner A, Wendt-Nordahl G, Michel MS, Alken P: Cystinuria in childhood and adolescence: recommendations for diagnosis, treatment, and follow-up. Pediatr Nephrol 2005, 20:19–24.
4. Chillarón J, Font-Llitjós M, Fort J, Zorzano A, Goldfarb DS, Nunes V, Palacín M: Pathophysiology and treatment of cystinuria. Nat Rev Nephrol 2010, 6:424–434.
5. Tiselius H-G: New horizons in the management of patients with cystinuria. Curr Opin Urol 2010, 20:169–173.
6. Sterrett SP, Penniston KL, Wolf JS, Nakada SY: Acetazolamide is an effective adjunct for urinary alkalization in patients with uric acid and cystine stone formation recalcitrant to potassium citrate. Urology 2008, 72:278–281.
7. Cohen TD, Streem SB, Hall P: Clinical effect of captopril on the formation and growth of cystine calculi. J Urol 1995, 154:164–166.
8. Chow GK, Streem SB: Medical treatment of cystinuria: results of contemporary clinical practice. J Urol 1996, 156:1576–1578.
9. Perazella MA, Buller GK: Successful treatment of cystinuria with captopril. Am J Kidney Dis 1993, 21:504–507.
10. Michelakakis H, Delis D, Anastasiadou V, Bartsocas C: Ineffectiveness of captopril in reducing cystine excretion in cystinuric children. J. Inherit. Metab. Dis. 1993, 16:1042–1043.
quel traitement en présence d’un klebsielle pneumonie avec une lithiase cystinique de 2 cm merci
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Bonjour,
Cela dépend de l’antibiogramme, mais généralement une quinolone devrait faire l’affaire.
Bien à vous
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