Thiazides et hyponatrémie (MAJ)

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Mise à jour (MAJ) le 27 octobre 2011 (Merci Dr Thierry Fumeaux)

Les diurétiques thiazidiques [hydrochlorothiazide (Esidrex®), chlortalidone (Hygroton®), indapamide (Fludex®)] agissent en bloquant le co-transporteur NaCl situé au niveau de la membrane luminale du tube contourné distal. Ils atteignent leur site d’action par sécrétion tubulaire proximale.[1] Ils peuvent être responsable d’une hyponatrémie.

Cette hyponatrémie peut se faire par deux mécanismes différents.[2]

  1. Le premier, est une hyponatrémie hypovolémique «classique» avec des signes de déshydratation extra-cellulaire (hypotension orthostatique, tachycardie, etc.). Le traitement est alors simple avec arrêt du traitement thiazidique et remplissage avec de l’eau et du sel (PO ou IV en fonction de la clinique, de la rapidité d’installation et de l’importance de l’hyponatrémie).
  2. Le second mécanisme est plus «subtile»! En effet, il peut s’installer une hyponatrémie euvolémique qui fait penser à une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH), sauf que le patient est sous traitement thiazidique.

Les thiazides favorisent la survenue d’hyponatrémie euvolémique pour plusieurs raisons:

  • Ils inhibent uniquement le segment cortical de dilution, mais non comme les diurétiques de l’anse,  le segment médullaire de dilution (responsable du pouvoir de concentration du rein). Durant les périodes de stimulation non osmotique d’ADH (hypovolémie efficace), les thiazides, qui ne bloquent pas la réabsorption d’eau libre au niveau du segment médullaire, facilitent la survenue d’une hyponatrémie de dilution
  • Ils ont une action dipsogène (stimulation de la soif) particulièrement fréquente chez le sujet âgé. Celle-ci est augmentée par le recours exagéré aux psychotropes responsables de SIADH.
Hyponatrémie induite par thiazide: mécanismes contributifs
Effet du thiazide
Réduction de la clairance de l’eau libre
Perte rénale de sodium
Stimulation de l’ADH
Perte de potassium
Caractéristiques du patient
A. Capacité réduite du rein à excréter de l’eau libre, généralement liée à l’âge
B. Prise excessive d’eau libre
i. prise augmentée d’eau
ii. prise diminuée de sel
C. Prise d’autres médicaments agissant sur la clairance de l’eau libre

Les 3 facteurs principaux qui détermine le risque d’hyponatrémie induite par thiazide sont donc la prise d’eau, la capacité du rein à excréter l’eau libre et la présence ou l’absence d’ADH.

Le risque d’hyponatrémie induite par thiazide est augmenté par 3 chez les patients de plus de 70 ans et encore plus chez la femme, probablement en raison d’un plus petit poids corporel et d’une prise moindre de sodium.

Cette hyponatrémie euvolémique sous thiazidique est souvent associée à une déplétion en potassium et en magnésium. Le traitement consiste en l’arrêt du thiazide, d’éviter les interactions médicamenteuses et à corriger un déficit en potassium ou magnésium. Une déshydratation étant difficile à exclure, il est licite d’apporte de l’eau et du sel dans un premier temps.

Une étude rétrospective récente rapporte le risque de développer une hyponatrémie (≤ 130 mmol) en débutant un traitement thiazidique vs un traitement non thiazidique pour une hypertension artérielle (traitement de première ligne).[3] Sur les 2’613 patients de la cohorte, 220 vont recevoir un thiazide en première intention (95.9% de l’hydrocholorothiazide (!)) 66 patients vont développer une hyponatrémie dans le groupe thiazidique, soit une incidence de 50 cas par patient-année vs 42 cas par patient-année pour le groupe non thiazidique (RR 1.6; 95% CI, 1.15-2.25). Dit autrement, le risque de développer une hyponatrémie est 60% plus grand qu’avec un traitement non thiazidique et 3 personnes sur 10 vont développer une hyponatrémie sous diurétique thiazidique (ou devrais-je dire, sous hydrochlorothiazide).

Cette étude met en évidence une complication connue d’un traitement d’hydrochlorthiazide (9 patients recevaient un autre diurétique thiazidique). Comme rapporté dans le billet du 24 octobre, l’hydrochlorothiazide n’est pas un bon choix en première ligne du traitement de l’hypertension. En est-il de même pour l’incidence d’hyponatrémie avec le chlortalidone ou l’indapamide?

Source

1. Presne C, Monge M, Mansour J, Oprisiu R, Choukroun G, Achard J-M, Fournier A: [Diuretic-based therapy]. Néphrologie thérapeutique 2007, 3:392–426.

2. Mann S: The silent epidemic of thiazide-induced hyponatremia. The Journal of Clinical Hypertension 2008, 10:477–484.

3. Leung AA, Wright A, Pazo V, Karson A, Bates DW: Risk of Thiazide-induced Hyponatremia in Patients with Hypertension. AJM 2011, 124:1064–1072.

5 commentaires

  1. Si je peux me permettre une remarque. Sur le plan thérapeutique, il faut faire très attention à la vitesse de correction de ces hyponatrémies qui sont souvent chroniques sous thiazidique quand la personne les prends depuis longtemps. Elle peuvent se corriger très vite surtout quand on apporte du serum physiologique. La correction de l’hypovolémie qui existe quand même , même dans « l’euvolémémie » entraine une élimination rapide l’eau libre avec si on y prend garde des corrections brutales.
    Les rares myélinolyses centro pontines que j’ai vu (deux en pratique) étaient toujours chez des femmes prenant des thiazidiques avec des corrections très rapides secondaires à des perfusion de serum physiologique, d’autan plus que la kaliémie était basse.
    Je pense qu’il faut vraiment être très prudent dans la correction du secteur extra cellulaire chez ces patients et ne pas vouloir trop bien faire.

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  2. Mais c’est un pur plaisir que de voir cette vieille femme gigoter aussi vigoureusement!c’est une de vos patientes?sérieusement,j’apprécie beaucoup vos articles.
    Bonne continuation!
    Nabila.

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  3. Hello,

    Je me demande si, depuis 2011, il y a eu des suites à cette remise en cause des thiazidiques dont l’HCTZ comme première ligne de la prise en charge de l’HTA?

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