Infections en dialyse péritonéale

1. Péritonites

Clinique

± liquide trouble ± douleurs abdominales ± fièvre.

Diagnostic

Comptage leucocytaire > 100 cellules/ml de dialysat (avec >50% de PMN)

NB: le nombre de leucocytes dépend aussi du temps de stase, donc répartition avec >50% de PMN reste fortement suggestif d’une péritonite même si GB < 100 (si doute: répéter avec un échange d’au moins 2 heures)

Prélèvements

  • Dialysat effluent:
    • comptage leucocytaire avec répartition (hémogarde mauve 2,5 ml)
    • examen direct (Gram et levures)
    • culture:
      • 2 tubes Falcon à 50 ml (à garder au frigo si labo fermé)
      • ensemencement direct de 2 bouteilles d’hémoculture
    • bandelette urinaire : ne remplace pas comptage, mais donne rapidement une idée sur la présence de GB (surtout la nuit ou le week-end)
  • Orifice du cathéter:
    • culture (frottis en soulevant le cathéter)
    • si écoulement: comptage GB, Gram et culture
  • Hémocultures:
    • si fièvre et/ou altération de l’état général

Traitement

A initier dès prélèvements effectués

NB: Le traitement IP (intra-péritonéal) doit être privilégié; traitement intermittent (AB 1x/j) aussi efficace que traitement continu (AB dans chaque poche), mais il faut alors un temps de stase d’au moins 6h pour que l’antibiotique soit absorbé (long échange de la nuit p.e., mais ne pas attendre le soir pour initier le traitement)

Empirique (initial): Association de deux AB devant couvrir Gram positif et Gram négatif – ou monothérapie de Maxipime® possible: 2 g IP dose de charge puis 1 g 1x/j.

– pour  Gram positif: Vancocine® ou Kefzol®

– pour Gram négatif:  Fortam® ou Gentamycine®

Antibiotiqueintra-péritonalintraveineux
intermittentcontinu
Pour Gram positif
Vancocine®1-2 g tous le 3-5 jours (taux sérique > 15 ug/ml) 1 g tous les 3-5 jours(taux sérique > 15 ug/ml)
Kefzol®15 mg/kg 1x par jour dans la poche du soir500 mg/l dose de charge, puis 125 mg/l dans chaque poche(augmenter de 25% si diurèse < 100 ml/j)2×500 mg/j
pour Gram négatif
Gentamicine®0.6 mg/kg 1x par jour dans la poche du soir8 mg/l dose de charge, puis 4 mg/l dans chaque poche(augmenter de 25% si diurèse < 100 ml/j)non recommandée, grande variabilité pharmacocinétique, perte de 3-4 mg/l de dialysat2 mg/kg toutes les 72h + 3-4 mg pour chaque litre de dialysat par jourAdapter selon taux sérique
Fortam®1000-1500 mg 1x par jour dans la poche du soir500 mg/l dose de charge, puis 125 mg/l dans chaque poche(augmenter de 25% si diurèse < 100 ml/j)1×500 mg/j

NB: La vancomycine, les aminoglycosides et les céphalosporines peuvent être mélangés dans la même poche de dialysat. Si par la suite une pénicilline devait être utilisée, elle ne doit pas être mélangée  à un aminoglycoside. On ne doit pas utiliser la même seringue pour injecter différents antibiotiques dans le dialysat.

Vancomycine, céfazoline, ceftazidime, gentamycine, ampicilline, cloxacilline et amphotéricine peuvent être injectés dans l’Icodextrin (extraneal).

Une fois injecté dans le dialysat les antibiotiques restent stables plusieurs jours, le moins stable étant le Fortam (4 jours); les mélanges peuvent donc être préparés à l’avance.

Mesures additionnelles

  • Ne pas laisser le patient ventre vide
  • Pour les patients en DPA (=machine), ad passage en DPCA (=DP manuelle)
  • Prescription standard : 2 litres (volume maximal) 5x/j – volume et fréquence peuvent être adaptés selon la clinique
  • Stopper les dialysats hypertoniques et privilégier l’Extraneal
  • Rinçages manuels rapides (aller-retour) avec dialysat isotonique si fortes douleurs ou présence de fibrine
  • Adjonction de Liquémine (1000 UI pour 2 litre) dans le dialysat si présence de fibrine
  • Envisager US du tunnel pour rechercher une collection ou une fuite.

Ajustement en fonction antibiogramme

  • Gram positif:
    • staphylococcus coagulase négatif: privilégier traitement continu avec Kefzol® pour 2 semaines minimum (et minimum 1 semaine après normalisation du dialysat) ; si récidive, ad changement du cathéter sous traitement dès dialysat clair
    • streptocoque et entérocoque: pénicilline en continu reste traitement idéal (Clamoxyl® 125 mg/l), durée 2 semaines pour Streptocoque; si Entérocoque, ajouter Gentamicine® 20 mg/l (1x/j), durée 3 semaines. Si VRE, ad linésolid.
    • staphylocoque aureus: Pénicillines, Céphalosporines, (Vancomycine) IP +/- rifampicine 600 mg 2x/j PO si sévère ; durée 3 semaines ; toujours Vancomycine si MRSA ; si infection orifice/tunnel, ad  ablation du cathéter et pause minimum 2 semaines
  • Gram négatif:
    • pseudomonas aeruginosa: toujours bi-thérapie en choisissant parmi ces antibiotiques: Ciproxine® (500mg/12h) PO, Gentamicine®, Fortam®, (Maxipime®, Tienam®, Tazobac®,Tobramycine®) IP (plutôt en continu), Pipril® (4 g/12h) IV, car ne doit pas être mélangé avec la Gentamicine®
    • stenotrophomonas: 3-4 sem de traitement
    • germes entériques multiples:  Flagyl® (500 mg 3x/j) PO ou IV + Clamoxyl® ± Fortam IP ou Gentamicine® IP; évaluation chirurgicale ± CT.
  • Culture stérile:
    • répéter numération à J3 – si résolu, ad poursuite traitement antibiotique 2 semaine (plutôt sans Gentamicine®)
    • si pas résolu, ad recherche champignons, mycobactéries, mycoplasma, ureaplasma, campylobacter, legionella
    • Si résolu, ad poursuite du traitement 2 semaines.
    • si pas résolu à J5, ad ablation du cathéter.
  • Levures:
    • selon sensibilité :Diflucan® 200mg/j PO ou IP, V-fend® PO (400 mg 2x/j à J1 puis 200 mg 2x/j ; diminuer dose de 50% si poids < 40 Kg), Cansidas® IV (70 mg dose de charge puis 50 mg/j), (amphothéricine 1,5 mg/l IP,  attention aux péritonites chimiques, mais faible taux IP si donné IV) et ablation du cathéter avec poursuite du traitement minimum 10 jours après ablation
  • Mycobactéries:
    • si tuberculosis, ad quadri-thérapie avec Rifampicine, Isoniazide, Pyrazinamide et Ciproxine
    • si non-tuberculosis, ad traitement selon sensibilité
    • Considérer ablation du cathéter selon évolution

Suivi

Contrôle visuel quotidien du dialysat et répéter numération ± cultures à 48h.

Evolution

Amélioration clinique en 48h (NB mauvais pronostic si comptage > 1000/mm3) ; considérer comme réfractaire si évolution insatisfaisante à  J5 malgré traitement adéquat (ad ablation cathéter).

Durée du traitement

  • 2 semaines au minimum, 3 semaines si sévère ou évolution lente, quelque soit le germe
  • minimum 1 semaine après normalisation du dialysat pour staphylocoque coagulase négatif et péritonite stérile
  • toujours 3 semaines pour staphylococoque aureus, Gram négatif et entérocoque

Indication à ablation du cathéter

  • péritonite réfractaire
  • péritonite fungique
  • péritonite récidivante (= même germe moins de 4 semaines après fin du traitement); changement possible sous traitement si dialysat clair
  • péritonite avec infection d’orifice ou du tunnel concomitant ou évolution d’une infection d’orifice/tunnel vers une péritonite avec même germe.
  • infection d’orifice réfractaire (changement possible)

2. Infections d’orifice

Définition

Ecoulement purulent = infection; rougeur = infection possible ; colonisation = germes sans infection

Diagnostic

Gram positif culture + numération si écoulement +/- US (recherche infection du tunnel)

Traitement

Traitement PO aussi efficace que IP

  • Empirique immédiat:
    • toujours couvrir staphylocoque aureus avec pénicilline pénicillinase-résistante (Floxapen® 500 mg 2x/j) ou céphalosporine de 1e génération (Zinat® 200 mg 2x/j)
    • couvrir pseudomonas si antécédents (Ciproxine® 500 mg 2x/j)
    • si Gram positif: Pénicilline, Céphalosporine;
      • si infection sévère, ad ajouter Rifampicine 600 mg 1x/j si poids > 50 kg (450 mg si poids < 50 kg), jamais en mono-thérapie ; éviter Vancomycine en première intention (sauf si antécédents MRSA)
    • si Gram négatif (pseudomonas): Ciproxine 500 mg 2x/j ;
      • si  pseudomonas ou infection sévère ou évolution lente ou récidive, ad ajouter Fortam IP en continu (500 mg/l dose de charge, puis 125 mg/l dans chaque poche) ou Garamycine ou Maxipime ou Pipril ou Tienam ou Meropenem
      • considérer changement de cathéter si récidive (= même germe moins de 4 semaines après arrêt du traitement) ou récurrence (= moins de 4 semaines avec germe différent) ou réfractaire
      • soins locaux: ajouter antibiotique local ou sel hypertonique (2×10 min/j de sel hypertonique 3% sur compresses stériles, séchage à l’air 5 min ± tampons stériles, faire pansement, pas d’autre désinfectant)

Durée: jusqu’à résolution et au minimum 2 semaines.

Si pas de guérison: changement du cathéter sous traitement.

Si évolution vers péritonite ou péritonite concomitante avec même germe : ablation du cathéter (sauf pour staphylocoque coagulase négatif: changement possible si dialysat clair).

Protocole au Nitrate d’argent pour bourgeonnement à l’orifice: appliquer 10-15 min 1x/j solution Nitrate d’argent 0,5% avec compresses stériles – sécher à l’air 5 min – pansement avec compresses sèches – durée: 1-2 sem puis reprise pansement habituel – utiliser gants car tache peau, mais aussi tissus, émail…

3.Infections du tunnel

Définition

± rougeur ± tuméfaction ± douleur, mais souvent invisible ; rarement présente sans infection d’orifice

Diagnostic

Clinique + US ± CT

Traitement

Changement du cathéter sous traitement AB (voir orifice pour choix de l’antibiotique). Révision du tunnel possible, mais peut provoquer péritonite (à éviter)

En rouge: modification par rapport à la version de novembre 2009

Source:

Site de l’ISPD (International Society of Peritoneal Dialysis) www.ispd.org
Protocole de prise en charge des péritonites, des infections d’orifice et des infections du tunnel en dialyse péritonéale [version octobre 2010]

12 commentaires

  1. Dr Marangon:

    Dans le soucis de prévenir d’éventuels épisodes futures de toxicité (notament ORL) liée à l’administration de la garamycine, lorsqu’une couverture gram nég doit être maintenue (3 semaines de traitement pour une péritonite à gram nég par exemple), j’ai modifié notre protocole (cf point g. durée du traitement) en proposant un switch de la Garamycine pour le Fortam dès que l’ABbiogramme est connu ou après 1 semaine de traitement avec bonne évolution si les cultures restent stériles mais que l’on veut maintenir la couverture gram nég.

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    1. d’après cette présentation que j’ai trouvé sur le traitement des infections péritonéales :
      – Urokinase = activateur plasminogène : 100000 UI 1 x
      Utilisé avec succès lors de péritonites résistantes et récidivantes
      Pickering et al Nephrol Dial Transplant 1989
      Innes et al Nephrol Dial Transplant 1994
      Moins efficace que ablation du cathéter
      Williams et al Adv Perit Dial 2000
      – Rifampicin = inhibiteur transcription bacterienne : 600 mg/j po 3 sem
      Efficace contre infections liées biofilm induit par CNS
      Interaction synergistique avec vancomycine
      Combinaison pour diminuer risque de résistance
      Obst et al Am J Nephrol 1989
      Gagnon et al Adv Perit Dial 1994
      – Utilisation Urokinase-Rifampicine pourrait permettre de
      récupérer > 60 % des cathéters (culture positive à j8)
      quel est votre avis
      avec mes respects

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      1. Cher drdialyse,

        L’étude de Pickering et coll. porte sur 4 patients avec une «relapsing peritonitis» (voir article Recurrent and Relapsing Peritonitis, ou le contraire?) L’urokinase était ajouté au traitement antibioitique qui reste la pierre angulaire du traitement![1]

        The action of urokinase in the treatment of relapsing peritonitis is unknown. The preparation used (urokinase, Leo) has no effect on bacterial growth or slime-production in simple in vitro studies (personal communication, J. Bowley). Further, more complex, in vitro studies are being undertaken to ascertain the interactions between bacteria, urokinase and the silastic cannula. It seems likely that urokinase allows access by antibiotics to a nidus of infection previously protected by fibrin.

        L’étude de Innes et coll. a comparé 12 patients avec traitement antibiotique vs 12 avec traitement antibiotique + urokinase. L’effet de l’urokinase est impressionnant puisque 8 patients sont «guéris» avec la combinaison antibiotique + urokinase alors qu’un seul dans le groupe antibiotique seul.[2]

        L’étude de Williams et coll. montre que c’est plus efficace de remplacer le cathéter.[3]

        Pour l’activité de la rifampicine sur le biofilm, je suis entièrement d’accord.[4] [5] On la propose d’ailleurs en cas d’infection grave par staphylocoque doré en combinaison.

        Pour l’affirmation que l’utilisation urokinase-rifampicine pourrait permettre de «récupérer» > 60% des cathéters, je ne sais pas d’où cela vient.

        Il semble toutefois que dans une étude plus récente, randomisée chez 88 patients en DP avec péritonite ne répondant pas au traitement initial d’antibiotique, l’ajout de l’urokinase IP ne montre pas de bénéfice.[6]

        Une étude de Gadallah et coll. montre également que l’ajout d’urokinase ne change rien (collectif de 80 patients).[7]

        Enfin les recommandations de l’ISPD stipulent:

        Studies of IP urokinase failed to show any benefit of urokinase over placebo with respect to complete cure in persistent peritonitis, or primary response to treatment in the setting of resistant peritonitis.

        En conclusion, je ne proposerais pas l’urokinase en sus du traitement antibiotique.

        Bien à vous

        Source
        1. Pickering SJ, Fleming SJ, Bowley JA, Sissons P, Oppenheim BA, Burnie J, Ralston AJ, Ackrill P: Urokinase: a treatment for relapsing peritonitis due to coagulase-negative staphylococci. Nephrol Dial Transplant 1989, 4:62–65.
        2. Innes A, Burden RP, Finch RG, Morgan AG: Treatment of resistant peritonitis in continuous ambulatory peritoneal dialysis with intraperitoneal urokinase: a double-blind clinical trial. Nephrol Dial Transplant 1994, 9:797–799.
        3. Williams AJ, Boletis I, Johnson BF, Raftery AT, Cohen GL, Moorhead PJ, Nahas el AM, Brown CB: Tenckhoff catheter replacement or intraperitoneal urokinase: a randomised trial in the management of recurrent continuous ambulatory peritoneal dialysis (CAPD) peritonitis. Peritoneal dialysis international : journal of the International Society for Peritoneal Dialysis 1989, 9:65–67.
        4. Obst G, Gagnon RF, Harris A, Prentis J, Richards GK: The activity of rifampin and analogs against Staphylococcus epidermidis biofilms in a CAPD environment model. Am J Nephrol 1989, 9:414–420.
        5. Richards GK, Morcos RJ, Gagnon RF: The differential activity of aminoglycoside antibiotics with rifampin explored in a kinetic in vitro model of implant-associated infection (Staphylococcus epidermidis). Adv Perit Dial 1994, 10:183–188.
        6. Tong MKH, Leung KT, Siu Y-P, Lee KF, Lee HK, Yung CY, Kwan TH, Au TC: Use of intraperitoneal urokinase for resistant bacterial peritonitis in continuous ambulatory peritoneal dialysis. J Nephrol 2005, 18:204–208.
        7. Gadallah MF, Tamayo A, Sandborn M, Ramdeen G, Moles K: Role of intraperitoneal urokinase in acute peritonitis and prevention of catheter loss in peritoneal dialysis patients. Adv Perit Dial 2000, 16:233–236.

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  2. Bonjour Dr Bourquin,
    je recherche l’étude en DP qui aurait montré que laisser les patients ventre vide la journée (lorsque la FRR le permet et en dehors de toute inf. péritonéale) est un facteur de risque de ‘infection péritonéale
    Sincèrement
    Dr ATTAF David
    Paris

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  3. Bonjour , j ai une patiente sous dialyse peritoneale depuis 3 ans , elle présente une infection peritoneale a pseudomonas mise sous ceftazidime . Après stérilisation du liquide de dp faut il faire une ablation repose d un kt ou ablation avec une repose a distance ?

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  4. Chelghoum souad
    Qu’appelle-on negativation du compte cellulaire lors de la surveillance d’une péritonite?est-ce inférieur a 100 éléments leucocytaires?

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