Traitement des glomérulopathies extramembraneuses

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La glomérulopathie extramembraneuse (GEM) est la cause la plus fréquente de syndrome néphrotique (SN) chez l’adulte.[1] Dans 75% des cas, l’atteinte est considérée comme idiopathique et chez 25% des patients elle est secondaire à une maladie systémique (infection, lupus érythémateux systémique, cancer, médicaments). Une rémission spontanée du syndrome néphrotique survient chez environ un tiers des patients, alors qu’un tiers va évoluer vers une insuffisance rénale terminale après dix ans d’an.[2, 3]

Le traitement immunosuppresseur des GEM est controversé, en partie à cause de l’hétérogénéité de la maladie et de l’absence de biomarqueurs sensibles.[4] Des avancées considérables ont pourtant été réalisées dans la compréhension des mécanismes moléculaires des GEM et des antigènes cibles des anticorps pathogènes ont été mis en évidence.

Les GEM sont caractérisées par l’accumulation de dépôts immuns sur le versant externe de la membrane basale glomérulaire. Depuis les travaux de Churg et Bariety, il est d’usage de classer les GEM en quatre stades. Ces stades représentent les étapes successives d’un processus dynamique.[5, 6]

L’endopeptidase neutre (EPN) a été identifiée comme étant l’antigène impliquée de la formation de dépôts immuns dans une population rare de patients atteints de GEM néonatale.[7] Chez l’adulte, c’est le récepteur de type M de la phospholipase A2 (PLA2R) qui joue le rôle de cible antigénique de la GEM idiopathique.[8]

Plusieurs études indiquent que les anticorps anti-PLA2R sont corrélés à l’activité de la maladie, ceux-ci disparaissant en cas de rémission spontanée ou induite par le traitement et réapparaissent en cas de rechute.[9, 10]

Le traitement ne doit être introduit que chez les patients souffrant d’une GEM idiopathique, à risque de mauvaise évolution ou qui ont un syndrome néphrotique sévère. Les critères cliniques de mauvaise évolution sont un âge de plus 50 ans, le fait d’être un homme, une protéinurie de plus de 8-10 g par jour et une augmentation de la créatinine au moment du diagnostic.

Le traitement non immunosuppresseur (NIS) comprend un blocage du système rénine-angiotensive-aldostérone (SRAA) par un IECA ou un sartan chez les patients avec protéinurie. Il faut souvent associer un traitement diurétique et un régime pauvre en sel pour atteindre les buts de protéinurie (<; 1 g par jour) et de TA (<; 130/80 mmHg) Une statine doit être introduite en cas de dyslipidémie (qui est toujours présente avec un SN). Concernant l’anticoagulation, je vous laisse lire l’article Maladie thromboembolique associée au syndrome néphrotique

  • but protéinurie <; 1 g par jour
  • TA <; 130/80 mmHg
  • LDL cholestérol <; 1.8 mmol/l (!)

Le traitement immunosuppresseur (IS) de première intention comprend du cyclophosphamide avec des stéroïdes ou un inhibiteur de la calcineurine avec ou sans stéroïdes. Les patients ne répondant pas un régime, sont traités avec l’autre et ceux qui ont une maladie résistante se voit proposer le rituximab (Mabthera®).[11]

  • Risque faible de progression: patient asymptomatique avec fonction rénale normale et protéinurie <; 4 g par jour sur une période d’observation de 6 mois. Pas de traitement IS car le pronostic à long-terme est excellent, traitement NIS, suivi tous les 3 mois pendant 2 ans, puis 2 fois par année.
  • Risque modérée de progression: protéinurie entre 4 et 8 g par jour, débit de filtration glomérulaire ≧ 80 ml/min et oedèmes contrôlés par un traitement diurétique, sur une période de 6 mois.
    • Traitement cytotoxique plus stéroïdes: cyclophosphamide per os (Endoxan®)[2-2.5 mg/kg par jour au mois 2-4-6] + prednisone (Prednisone®) [0.5 mg/kg par jour au mois 1-3-5 avec bolus de méthylprednisolone (Solu-Médrol®) 1 g, les 3 premiers jours de chaque mois].[12-14]
    • Traitement par inhibiteurs de la calcineurine: ciclosporine (Sandimmun®) [3-5 mg/kg par jour en 2 doses pour un taux entre 120-200 µg/l] ou tacrolimus (Prograf®) [0.05 mg/kg par jour en 2 doses pour un taux entre 5-8 µg/l] +/- prednisone (Prednisone®) [maximum 10 mg 1 jour sur 2].[15-17]
  • Haut risque de progression: protéinurie >; 8 g par jour sur une période de 3 mois et/ou atteinte de la fonction rénale sous traitement NIS maximum. En cas de symptômes sévères, d’hypoalbuminémie sévère (<; 20 g/l) ou d’augmentation de la créatinine, le traitement doit être débuté sans délai.
    • Traitement par cyclophosphamide per os (Endoxan®) [1.5-2.0 mg/kg par jour durant 1 an avec bolus de méthylprednisolone (Solu-Médrol®) 1 g les trois premiers jours des mois 1,3 et 5 et prednisone 0.5 mg/kg 1 jour sur 2 durant 6 mois et baisse fonction de la réponse clinique] ou ciclosporine (Sandimmun®) [3.5 mg/kg par jour en 2 doses pour un taux entre 110-170 µg/l].[18-20]

Source

Atlas de Pathologie rénale

UpToDate

1. Ronco P, Debiec H: Glomérulopathies extramembraneuses idiopathiques et secondaires. Presse médicale (Paris, France : 1983) 2011:1–8.

2. Glassock RJ: Diagnosis and natural course of membranous nephropathy. Semin Nephrol 2003, 23:324–332.

3. Polanco N, Gutiérrez E, Covarsí A, Ariza F, Carreño A, Vigil A, Baltar J, Fernández-Fresnedo G, Martín C, Pons S, Lorenzo D, Bernis C, Arrizabalaga P, Fernández-Juárez G, Barrio V, Sierra M, Castellanos I, Espinosa M, Rivera F, Oliet A, Fernández-Vega F, Praga M, Grupo de Estudio de las Enfermedades Glomerulares de la Sociedad Española de Nefrología: Spontaneous remission of nephrotic syndrome in idiopathic membranous nephropathy. J Am Soc Nephrol 2010, 21:697–704.

4. Waldman M, Austin HA: Controversies in the treatment of idiopathic membranous nephropathy. Nat Rev Nephrol 2009, 5:469–479.

5. Churg J, Ehrenreich T, Goldstein M: Clinical Aspects of Membranous Nephropathy. Annals of Internal … 1968.

6. Bariéty J, Druet P, Lagrue G, Samarcq P, Milliez P: [“Extra-membranous” glomerulopathies (E.M.G.). Morphological study with optic microscopy, electron microscopy and immunofluorescence]. Pathol. Biol. 1970, 18:5–32.

7. Debiec H, Guigonis V, Mougenot B, Decobert F, Haymann J-P, Bensman A, Deschênes G, Ronco P: Antenatal membranous glomerulonephritis due to anti-neutral endopeptidase antibodies. N Engl J Med 2002, 346:2053–2060.

8. Beck LH, Bonegio RGB, Lambeau G, Beck DM, Powell DW, Cummins TD, Klein JB, Salant DJ: M-type phospholipase A2 receptor as target antigen in idiopathic membranous nephropathy. N Engl J Med 2009, 361:11–21.

9. Hofstra JM, Beck LH, Beck DM, Wetzels JF, Salant DJ: Anti-phospholipase A₂ receptor antibodies correlate with clinical status in idiopathic membranous nephropathy. Clin J Am Soc Nephrol 2011, 6:1286–1291.

10. Beck LH, Fervenza FC, Beck DM, Bonegio RGB, Malik FA, Erickson SB, Cosio FG, Cattran DC, Salant DJ: Rituximab-induced depletion of anti-PLA2R autoantibodies predicts response in membranous nephropathy. J Am Soc Nephrol 2011, 22:1543–1550.

11. Fervenza FC, Abraham RS, Erickson SB, Irazabal MV, Eirin A, Specks U, Nachman PH, Bergstralh EJ, Leung N, Cosio FG, Hogan MC, Dillon JJ, Hickson LJ, Li X, Cattran DC, Mayo Nephrology Collaborative Group: Rituximab therapy in idiopathic membranous nephropathy: a 2-year study. Clin J Am Soc Nephrol 2010, 5:2188–2198.

12. Ponticelli C, Zucchelli P, Passerini P, Cesana B, Locatelli F, Pasquali S, Sasdelli M, Redaelli B, Grassi C, Pozzi C: A 10-year follow-up of a randomized study with methylprednisolone and chlorambucil in membranous nephropathy. Kidney Int 1995, 48:1600–1604.

13. Jha V, Ganguli A, Saha TK, Kohli HS, Sud K, Gupta KL, Joshi K, Sakhuja V: A randomized, controlled trial of steroids and cyclophosphamide in adults with nephrotic syndrome caused by idiopathic membranous nephropathy. J Am Soc Nephrol 2007, 18:1899–1904.

14. Ponticelli C, Altieri P, Scolari F, Passerini P, Roccatello D, Cesana B, Melis P, Valzorio B, Sasdelli M, Pasquali S, Pozzi C, Piccoli G, Lupo A, Segagni S, Antonucci F, Dugo M, Minari M, Scalia A, Pedrini L, Pisano G, Grassi C, Farina M, Bellazzi R: A randomized study comparing methylprednisolone plus chlorambucil versus methylprednisolone plus cyclophosphamide in idiopathic membranous nephropathy. J Am Soc Nephrol 1998, 9:444–450.

15. Cattran DC, Appel GB, Hebert LA, Hunsicker LG, Pohl MA, Hoy WE, Maxwell DR, Kunis CL, North America Nephrotic Syndrome Study Group: Cyclosporine in patients with steroid-resistant membranous nephropathy: a randomized trial. Kidney Int 2001, 59:1484–1490.

16. Alexopoulos E, Papagianni A, Tsamelashvili M, Leontsini M, Memmos D: Induction and long-term treatment with cyclosporine in membranous nephropathy with the nephrotic syndrome. Nephrol Dial Transplant 2006, 21:3127–3132.

17. Praga M, Barrio V, Juárez GF, Luño J, Grupo Español de Estudio de la Nefropatía Membranosa: Tacrolimus monotherapy in membranous nephropathy: a randomized controlled trial. Kidney Int 2007, 71:924–930.

18. Cattran DC, Greenwood C, Ritchie S, Bernstein K, Churchill DN, Clark WF, Morrin PA, Lavoie S: A controlled trial of cyclosporine in patients with progressive membranous nephropathy. Canadian Glomerulonephritis Study Group. Kidney Int 1995, 47:1130–1135.

19. Branten AJ, Reichert LJ, Koene RA, Wetzels JF: Oral cyclophosphamide versus chlorambucil in the treatment of patients with membranous nephropathy and renal insufficiency. QJM : monthly journal of the Association of Physicians 1998, 91:359–366.

20. Buf-Vereijken du PWG, Branten AJW, Wetzels JFM, Membranous Nephropathy Study Group: Cytotoxic therapy for membranous nephropathy and renal insufficiency: improved renal survival but high relapse rate. Nephrol Dial Transplant 2004, 19:1142–1148.


15 commentaires

  1. Il est probable qu’après la publication de l’essai anglais comparant ponticelli à CsA, cette dernière va disparaitre de notre arsenal thérapeutique dans cette maladie. D’après ce qui a dévoilé, il semble y avoir une altération plus rapide du DFG dans le groupe CsA. Attendons la publication mais je ne suis pas très convaincu de l’intérêt des anticalcineurines dans cette maladie. Il faut parfois savoir attendre pour obtenir une rémission juste avec de la néphroprotection.

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      1. Effectivement cela n’encourage pas à utiliser le protocole Cattran!
        Du coup, tu utilises le protocole Ponticelli avec du cyclophosphamide?

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      2. Je confesse une grande faiblesse pour le rituximab. En pratique j’attends au moins 6 mois le plus souvent un an avec un traitement nephroprotecteur et ensuite si échec et fdr de progression je propose un traitement soit ritux soit ponticelli et je laisse le choix au patient.
        Maintenant je vais leur proposer de rentrer dans un essai thérapeutique qui vient d’être ouvert en france comparant ritux+blocage SRAA et blocage seul. Le ponticelli me stresse toujours un peu. J’ai globalement une bonne expérience avec le ritux.

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  2. Merci pour ces précisions. J’ai un patient qui va arriver à 6 mois de traitement uniquement néphroprotecteur avec une protéinurie autour de 2 g et un syndrome oedémateux +/- contrôlé. Il y avait quelques lésions de HSF sur la biopsie, mais sans cela un stade 2. Après avoir revu tout cela, je ne sais pas ce que je vais lui proposer. Le protocole Cattran est le plus facile à prescrire, mais l’UK membranous study n’encourage pas ce traitement. Le Ponticelli a l’air de bien marcher. Pour le rituximab, ce qui m’ennuie toujours c’est que quand le traitement est donné, il est donné (et pour longtemps!). On a plus de souplesse avec l’endoxan et la prednisone (me semble-t-il)

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  3. Bonjour ,
    J’ai 50 ans à l age de 20 on m a diagnostiqué une GEM . Aujourd’hui ma creat est à 170 avec 0.13 G/L et je suis sous Imurel / Cozar/Larcan/Renitec .Ma creat depuis toute ces années ne fait qu augmentée et je me pose plein de questions : pourquoi persister avec imurel si ma creat ne fait qu augmenter ? on parle beaucoup du Rituximab , ce traitement peut il être plus efficace que l imurel ? Mon néphro m indique que ma maladie est stable et que les augmentations de creat sont des résidus de cicatrice ? qu en pensez vous ? Merci

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  4. Bonjour, j’ai 24 ans, et j’ai des urines mousseuses depuis quelques années, sans aucun oedéme ni autres signes, cela peut- t il etre une protéinurie? GEM par exemple? Merci d’avance

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  5. Salut Dr
    Le risque d’une récidive de glomérulopathie extramembraneuse aprés transplantation rénale peut-t-il vraiment atteindre 50% des cas? est-t-il généralement précoce ou tardif?
    Merci.

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