C’est dangereux le weekend

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Pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, la semaine fait 7 jours. Cela correspond approximativement à un «quartier» de lune. Le problème est que ce nombre impair rend difficile la répartition des dialyses qui se font généralement tous les 2 jours. Les patients sont dialysés le lundi-mercredi vendredi (LMV) ou le mardi-jeudi-samedi (MJS). Ce qui entraîne qu’entre le vendredi et le lundi ou le samedi et le mardi, ils ne sont pas dialysés durant 2 jours!

(…) maintenance hemodialysis is typically performed three times per week, with two 1-day intervals and one 2-day interval between dialysis sessions.

La question est de savoir si le fait de ne pas être dialysé 2 jours met les patients à risque? C’est la question que s’est posé l’équipe de Foley et coll. dans le Journal de la Nouvelle-Angleterre de cette semaine.[1]

Bleyer et coll. s’étaient déjà posé cette question en regardant la survenue de décès en fonction du jour de dialyse. Dans une première étude, ils ont montré une mortalité cardio-vasculaire plus importante le lundi (pour le groupe (LMV) et le mardi (pour le groupe MJS).[2] Dans une seconde étude,le risque de mort subite est augmenté de trois fois dans les douze heures qui précèdent la première dialyse de la semaine.[3] Karnik et coll. ont examiné les facteurs associés à un risque augmenté de mort subite.[4] Ils ont mis en évidence que le fait d’être dialysé le lundi (mais pas le mardi!) augmentait ce risque. Les autres facteurs de risque étaient un taux de potassium bas dans le dialysat, un âge avancé, la présence d’un diabète, l’utilisation de cathéter et la présence d’hypotension durant la dialyse. Genovesi et coll. ont également rapporté un certain nombre de facteur de risque (hyperkaliémie, diabète, fibrillation auriculaire…) dont le le jour avant et après le premier jour de dialyse de la semaine.[5]

Dans l’étude de cette semaine, Foley et coll. ont analysé les données de 32’00 patients dialysés trois fois par semaine entre 2005 et 2008.[1] L’âge moyen est de 62 ans et un quart est en dialyse depuis moins d’une année.  Après un suivi d’environ 2 ans, la mortalité est de 41%, dont 17% d’origine cardio-vasculaire. Le lundi est le jour le plus risqué pour le groupe LMV et c’est le mardi pour l’autre groupe. Le risque de décès le jour après le weekend est 22% plus important que les autres jours. Autrement dit: Pour chaque 100 patients dialysés durant une année, 22 vont mourir après le weekend (lundi ou mardi) contre 18 les autres jours.

Voici un tableau que j’ai repris du blog http://renalfellow.blogspot.com pour l’essentiel des autres résultats de cette étude.

Event (selected) Event on Day after Long Break (Rate per 100 Person-Yr)
Yes No P-value
All-cause Mortality 22.1 18 <0.001
Cardiac Mortality 10.2 7.5 <0.001
Infectious Mortality 2.5 2.1 0.007
Cardiac Arrest 1.3 1.0 0.004
Myocardial Infarction 6.3 4.4 <0.001
Septicemia 1.2 1.0 0.06
Hospitalization- MI 6.3 3.9 <0.001
Hospitalization- CHF 29.9 16.9 <0.001
Hospitalization- Dysrhythmia 20.9 11.0 <0.001

Il y a bien sûr des limitations à une étude rétrospective, mais elle confirme ce que d’autres avaient déjà montré (cf 3e paragraphe). Elle ne nous donne pas, par contre, d’élément sur les mécanismes de cette association entre surmortalité et dialyse le lundi ou mardi.

Ces mécanismes pourraient être liés au potassium (hyperkaliémie en soi, changement brusque du taux de potassium…), à la surcharge hydro-sodée (surcharge cardiaque, trouble du rythme…), au taux d’ultrafiltration (souvent plus important après le weekend) et au stress induit par la dialyse (catécholamines, cortisol et activation du sympathique). On sait que la dialyse  intermittente n’est pas physiologique et n’arrive pas à maintenir les électrolytes dans les limites de la normale, aussi bien avant qu’après la dialyse.[6] Ce caractère intermittent entraîne une évolution en dents de scie qui est contraire au concept de stabilité du «milieu intérieur» ou d’homéostasie.

On sait que des dialyses plus fréquentes (6x par semaine et ainsi des dents de scie moins importantes) améliorent la survie.[7] Le choix de dialyser les patients 3x par semaine n’est basé sur rien de scientifique, c’est comme cela que l’on fait depuis plus d’un quart de siècle. Le temps également est arbitraire et l’on sait que 4h est mieux que 3h et probablement 5h mieux que 4h.La mortalité va, à mon avis, continuer de diminuer plus on va se rapprocher d’un état physiologique.  La dialyse, comme elle est pratiquée actuellement, permet à nos patients de survivre. Je pense qu’il est inconcevable de vouloir faire pareil pour tout le monde et qu’il faut adapter le traitement au patient (et pas le contraire). Il ne faudrait pas, par contre, que ce soit des raisons financières qui décident du meilleur traitement.

Source

http://renalfellow.blogspot.com/2011/09/how-bad-is-long-break-for-dialysis.html

1. Foley RN, Gilbertson DT, Murray T, Collins AJ: Long Interdialytic Interval and Mortality among Patients Receiving Hemodialysis. N. Engl. J. Med. 2011, 365:1099–1107.

2. Bleyer AJ, Russell GB, Satko SG: Sudden and cardiac death rates in hemodialysis patients. Kidney Int 1999, 55:1553–1559.

3. Bleyer AJ, Hartman J, Brannon PC, Reeves-Daniel A, Satko SG, Russell G: Characteristics of sudden death in hemodialysis patients. Kidney Int 2006, 69:2268–2273.

4. Karnik JA, Young BS, Lew NL, Herget M, Dubinsky C, Lazarus JM, Chertow GM: Cardiac arrest and sudden death in dialysis units. Kidney Int 2001, 60:350–357.

5. Genovesi S, Valsecchi MG, Rossi E, Pogliani D, Acquistapace I, De Cristofaro V, Stella A, Vincenti A: Sudden death and associated factors in a historical cohort of chronic haemodialysis patients. Nephrology Dialysis Transplantation 2009, 24:2529–2536.

6. Kim G-H: Dialysis Unphysiology and Sodium Balance. Electrolyte Blood Press 2009, 7:31.

7. FHN Trial Group, Chertow GM, Levin NW, Beck GJ, Depner TA, Eggers PW, Gassman JJ, Gorodetskaya I, Greene T, James S, Larive B, Lindsay RM, Mehta RL, Miller B, Ornt DB, Rajagopalan S, Rastogi A, Rocco MV, Schiller B, Sergeyeva O, Schulman G, Ting GO, Unruh ML, Star RA, Kliger AS: In-center hemodialysis six times per week versus three times per week. N Engl J Med 2010, 363:2287–2300.

Un commentaire

  1. Un papier qui fait un constat sans forcément tenter de chercher où est le problème. Il serait intéressant d’avoir ces données pour l’europe ou le japon avec des pratiques d’hémodialyse que nous qualifierons de moins brutales. Car dans le papier les outcomes augmentent systématiquement le jour de dialyse par rapport aux jours sans, ce qui pose certaines questions: problème technique, biais lié à la présence dans une structure. Beaucoup de questions et peu de réponse.

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