L’hypertension résistante est observée chez environ 9 % des hypertendus traités.[1] Lorsque l’HTA résistante n’arrive pas à être contrôlée malgré une prise en charge spécialisée, une amélioration du contrôle tensionnel a été récemment rendue possible par l’application de technique interventionelle agissant sur la régulation nerveuse de la tension artérielle. La stimulation vagale par activation baro-réflexe et la dénervation rénale par cathétérisme des artères rénale sont deux méthodes dont la mise au point est récente.[2, 3]
La dénervation rénale par voie endovasculaire est une méthode nouvelle qui permet la destruction des fibres nerveuses sympathiques qui cheminent dans l’adventice des artères rénales. Une étude clinique randomisée (SIMPLICITY 2) a montré une baisse de la tension artérielle chez des patients hypertendus résistants aux médicaments antihypertenseurs.[4, 5]
Historiquement, la dénervation rénale chirurgicale a été pratiquée à grande échelle chez les hypertendus sévères et compliqués dès la fin des années 1930, alors que le traitement médicamenteux n’existaient pas encore.[6] L’intervention la plus courante consistait en une sympatho-splanchnicectomie dorsolombaire ou intervention de Smithwick, par résection des ganglions sympatiques de D8 à L1 (au maximum de D6 à L3) et des nerfs splanchniques destinés au ganglion coeliaque. La procédure était particulièrement invasive, parfois réalisée en deux temps au cours d’une hospitalisation de 15 jours et grevée d’une mortalité périopératoire de l’ordre de 5 %. Les effets indésirables de cette dénervation complète et étendue étaient nombreuses, invalidantes et durables (lombalgies, radiculagies, hypotension orthostatique, troubles sphinctériens et sexuels, hypersudation paradoxale). La diminution de la TA était inconstante, observée dans environ 50 % des cas. L’avénement de médicaments antihypertenseurs dans les années 1960 a fait abandonner cette chirurgie.
Actuellement l’indication à la dénervation rénale devrait se limiter aux patients qui ont une HTA essentielle non contrôlée sous quadrithérapie ou plus avec un traitement comportant au moins un diurétique, la spironolactone à la dose de 25 mg ayant été inefficace, avec au moins une tension artérielle systolique (TAS) > 160 mmHg et/ou une tension artérielle diastolique (TAD) > 100 mmHg en consultation et la confirmation d’une TAS > 135 mmHg et d’une TAD > 85 mmHg en automesure (ATM) ou par mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA).[7] L’anatomie des artères rénales doit être compatible avec cette intervention (2 reins fonctionnels, absence d’antécédents d’angioplastie). La dénervation rénale est une intervention complexe pouvant présenter des risques de complication artérielle.
Après ce geste, le traitement antihypertenseur ne pourra pas être interrompu dans les suites immédiates du geste de dénervation rénale car l’effet sur la baisse de la tension artérielle est retardé et atteint son effet maximum après 3 mois. La surveillance de la tension artérielle, de la fonction rénale et de l’anatomie des artères rénales est nécessaire après 12 mois et 36 mois.
Un débit de filtration glomérulaire (DFG) de moins de 45 ml/min était un critère d’exclusion dans l’étude SIMPLICITY 2. Il semble toutefois que les patients avec une insuffisance rénale chronique modérée à sévère pourrait bénéficier d’une telle procédure. Il convient cependant d’être prudent, sachant que le produit de contraste utilisé avant et pendant la procédure pourrait entraîner une IRA et que l’autorégulation du rein risque d’être altérée.[8]
Le suivi de la fonction rénale de 49 patients de l’étude SIMPLICITY 2 ayant un DFG initial > 45 ml/min est restée stable à 6 mois de la dénervation. Aucune donnée à plus long terme n’est disponible.Une étude récente de Hering et coll. sur 15 patients avec une IRC stade 3-4 (DGF entre 15 et 43 ml/min) a montré que la procédure est possible, n’entraîne pas d’IRA et qu’à 6 mois la fonction rénale est restée stable.[9] Il semble même qu’en plus d’un meilleur contrôle de la TA, cela améliore l’anémie et la protéinurie.
Il convient cependant de rester prudent avec cette technique et de ne pas en attendre des miracles! Elle permet – certes – un meilleur contrôle de la TA, sans pouvoir toutefois interrompre tout le traitement antihypertenseur et l’effet sur la fonction rénale à long terme est inconnu.
Source
1. Persell SD: Prevalence of resistant hypertension in the United States, 2003-2008. Hypertension 2011, 57:1076–1080.
2. Bakris GL, Nadim MK, Haller H, Lovett EG, Schafer JE, Bisognano JD: Baroreflex activation therapy provides durable benefit in patients with resistant hypertension: results of long-term follow-up in the Rheos Pivotal Trial. J Am Soc Hypertens 2012, 6:152–158.
3. Krum H, Schlaich M, Sobotka P, Scheffers I, Kroon AA, de Leeuw PW: Novel procedure- and device-based strategies in the management of systemic hypertension. Eur. Heart J. 2011, 32:537–544.
4. Symplicity HTN-2 Investigators, Esler MD, Krum H, Sobotka PA, Schlaich MP, Schmieder RE, Böhm M: Renal sympathetic denervation in patients with treatment-resistant hypertension (The Symplicity HTN-2 Trial): a randomised controlled trial. Lancet 2010, 376:1903–1909.
5. De Benedetti E: [Catheter-based treatment of drug-resistant hypertension]. Rev Med Suisse 2011, 7:2242–2244.
6. Steichen O, Sapoval M, Frank M, Bobrie G, Plouin P-F, Azizi M: Dénervation rénale endovasculaire par radiofréquence dans l’hypertension artérielle résistante: La prudence reste encore de mise à ce jour. Presse médicale (Paris, France : 1983) 2011:1–9.
7. Ehret GB, Pechère-Bertschi A: [Resistant hypertension]. Rev Med Suisse 2010, 6:1721–2, 1724–7.
8. Petidis K, Anyfanti P, Doumas M: Renal sympathetic denervation: renal function concerns. Hypertension 2011, 58:e19–author reply e20.
9. Hering D, Mahfoud F, Walton AS, Krum H, Lambert GW, Lambert EA, Sobotka PA, Bohm M, Cremers B, Esler MD, Schlaich MP: Renal Denervation in Moderate to Severe CKD. J Am Soc Nephrol 2012.