Tout savoir sur la néphropathie diabétique

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La néphropathie diabétique (ND) est la cause la plus fréquente d’insuffisance rénale terminale (IRT). Le diabète (principalement de type 2) est présent chez 25-50% des nouveaux patients avec une IRT. La qualité de la prise en charge du diabète et de ses complications va directement influencer l’apparition et l’évolution d’une néphropathie diabétique. Dans la plupart des cas, une insuffisance rénale chronique chez un patient diabétique est liée à une néphropathie diabétique et ne nécessite pas de biopsie rénale pour confirmer le diagnostic. Les atteintes histologiques principales retrouvées sont une augmentation de la matrice mésangiale, un épaississement de la membrane basale et une glomérulosclérose.

Quelques définitions: 

La microalbuminurie – une excrétion urinaire d’albumine entre 30-300 mg par jour (ou 3-30 mg/mmol créatinine) est le premier signe détectable d’une atteinte rénale associée au diabète.

Catégorie Spot urinaire(mg/mmol créatinine) récolte de 24h(mg/24h)
Normoalbuminurie < 3 < 30
Microalbuminurie 3-30 30-300
Macroalbuminurie > 30 > 300

La néphropathie diabétique – se présente typiquement comme un syndrome clinique  qui se caractérise par une macroalbuminurie (> 300 mg par jour), une baisse du débit de filtration glomérulaire et une élévation de la pression artérielle. Chez la plupart des patients, l’IRC peut être attribuée au diabète si une macroalbuminurie est présente ou si une microalbuminurie est associée à une rétinopathie diabétique chez un patient avec un diabète présent depuis plus de 10 ans.

Une autre cause à l’IRC doit être suspectée si

  • absence de rétinopathie diabétique (en particulier dans le diabète de type 1)
  • un débit de filtration glomérulaire (DFG) bas ou diminuant rapidement
  • présence d’une protéinurie importante ou présence d’un syndrome néphrotique
  • présence d’une hypertension artérielle réfractaire
  • présence d’un sédiment actif (hématurie glomérulaire)
  • symptômes ou signes d’une maladie systémique
  • diminution de > 30% du DFG après introduction d’un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA)

Le diabète de type 1 – la microalbuminurie se développe après 15 ans chez 20-30% des patients. Une néphropathie diabétique va se développer chez 50% des patients avec une microalbuminurie. Une prise en charge intensive du diabète peut prévenir la survenue d’une microalbuminurie et l’évolution vers une IRC. Après 30 ans d’évolution avec un  diabète de type 1, la prévalence d’IRT est de plus de 15%, elle peut être diminuée à moins de 9% avec une prise en charge adéquate.

Le diabète de type 2 – le risque rénal est le même que pour un diabète de type 1. Le bénéfice d’un contrôle strict du diabète et de la tension artériel est le même que pour le diabète de type 1.[1] Plus de 90% des patients diabétiques qui débutent une dialyse ont un diabète de type 2.

L’histoire naturelle de la néphropathie diabétique a été décomposé par Mogensen en cinq stades évolutifs.[2]

  • Stade 1 d’hypertrophie-hyperfonction, s’installant très tôt après le début du diabète. Le DFG est augmenté, une néphromégalie se constitue progressivement avec hypertrophie des glomérules, augmentation de la surface et du volume des lumières capillaires.
  • Stade 2 de néphropathie silencieuse: il peut durer des années, voire toute la vie chez certains patients, sans signe clinique et/ou biologique d’atteinte rénale. Le DFG reste élevée ou est revenu dans les limites de la normale. La membrane basale glomérulaire périphérique commence à s’épaissir (30% au bout de 5 ans) et la matrice mésangiale à s’élargir.
  • Stade 3 de néphropathie débutante: ce stade survient après 10 à 15 ans de diabète chez environ 30% des diabétiques, et dure une quinzaine d’années. Il est reconnu par une microalbuminurie et une hypertension artérielle. Les lésions histologiques sont installées (expansion du mésangium et épaississement de la membrane basale glomérulaire).
  • Stade 4 de néphropathie diabétique patente, avec macroalbuminurie, baisse du DFG, hypertension artérielle, parfois syndrome néphrotique et hématurie microscopique. Habituellement d’autres complications du diabète sont associées. La glomérulosclérose nodulaire et diffuse caractéristique est régulièrement retrouvée, l’intestitium cortical s’élargit.
  • Stade 5 d’insuffisance rénale terminale, avec sclérose globale de nombreux glomérules et fibrose intersititelle.

Le développement d’une néphropathie diabétique est multifactoriel (cf figure ci-dessous tirée de l’excellent article du Dr Karim Gariani Néphropathie diabétique):

  • L’hyperglycémie entraîne la surproduction de matrice mésangiale et la croissance cellulaire. Elle favorise la formation des produits de glycations avancées (AGEs); le glucose se combine avec des acides aminés libres et des protéines pour produire ces «AGEs». Ils s’accumulent dans les vaisseaux (ce qui n’est pas bon). Les AGEs vont produire diverses cytokines dont le VEGF et le TGF-beta.
  • L’hémodynamique glomérulaire est perturbée avec hypertension et hyperfiltration qui entraîne une sclérose artériolaire et glomérulaire.
  • Une dysfonction endothéliale entraîne une hyperfiltration en lien avec la production d’oxyde nitrique (NO).
  • Le SRAA est activé et entraîne une croissance cellulaire avec accumulation de matrice mésangiale dans tous les compartiments du rein.
  • La microalbuminurie est la cause initialement d’une atteinte glomérulaire qui évolue vers une macroalbuminurie. Secondairement, cette protéinurie est per se «toxique» avec développement  d’une atteinte tubulaire et d’une fibrose interstitielle.
  • Les podocytes sont atteints dans la néphropathie diabétique avec réduction de l’expression de la néphrine, un composant du diaphragme de fente qui va ainsi laisser passer plus facilement des protéines.

Le but du traitement du diabète sans microalbuminurie est un contrôle strict de la glycémie (HbA1c < 7% voire < 6.5%). En cas de néphropathie diabétique, il faut en plus contrôler la tension artérielle (TA < 130/80 mmHg) et la protéinurie (< 0.5 g par jour ou 50 mg/mmol créatinine).

Le traitement antihypertenseur de choix est un bloqueur du SRAA [inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) ou sartan] qui va agir en contrôlant la tension artériel et va avoir en plus un effet rénoprotecteur.[3-14] Un régime pauvre en sel [4-6 g par jour (Na < 100 mmol/jour)] augmente l’effet antiprotéinurique d’un bloqueur du SRAA.[15, 16] Si cela ne suffit pas un diurétique doit être ajouté. [thiazide si DFG > 30 ml/min ou un diurétique de l’anse si DFG < 30 ml/min].[17] L’association d’un IECA et d’un sartan dans cette indication est actuellement controversée Ce n’est pas la bonne combinaison.[18]

Source

Oxford Desk Reference Nephrology

Atlas de Pathologie rénale

1. Genuth S, Eastman R, Kahn R, Klein R, Lachin J, Lebovitz H, Nathan D, Vinicor F, American Diabetes Association: Implications of the United kingdom prospective diabetes study. Diabetes Care 2003, 26 Suppl 1:S28–32.

2. Mogensen CE, Christensen CK, Vittinghus E: The stages in diabetic renal disease. With emphasis on the stage of incipient diabetic nephropathy. Diabetes 1983, 32 Suppl 2:64–78.

3. Captopril reduces the risk of nephropathy in IDDM patients with microalbuminuria. The Microalbuminuria Captopril Study Group. Diabetologia 1996, 39:587–593.

4. Viberti G, Mogensen CE, Groop LC, Pauls JF: Effect of captopril on progression to clinical proteinuria in patients with insulin-dependent diabetes mellitus and microalbuminuria. European Microalbuminuria Captopril Study Group. JAMA 1994, 271:275–279.

5. Lewis EJ, Hunsicker LG, Bain RP, Rohde RD: The effect of angiotensin-converting-enzyme inhibition on diabetic nephropathy. The Collaborative Study Group. N. Engl. J. Med. 1993, 329:1456–1462.

6. Hebert LA, Bain RP, Verme D, Cattran D, Whittier FC, Tolchin N, Rohde RD, Lewis EJ: Remission of nephrotic range proteinuria in type I diabetes. Collaborative Study Group. Kidney Int 1994, 46:1688–1693.

7. Kasiske BL, Kalil RS, Ma JZ, Liao M, Keane WF: Effect of antihypertensive therapy on the kidney in patients with diabetes: a meta-regression analysis. Ann Intern Med 1993, 118:129–138.

8. Parving HH, Hommel E, Jensen BR, Hansen HP: Long-term beneficial effect of ACE inhibition on diabetic nephropathy in normotensive type 1 diabetic patients. Kidney Int 2001, 60:228–234.

9. Adler AI, Stratton IM, Neil HA, Yudkin JS, Matthews DR, Cull CA, Wright AD, Turner RC, Holman RR: Association of systolic blood pressure with macrovascular and microvascular complications of type 2 diabetes (UKPDS 36): prospective observational study. BMJ 2000, 321:412–419.

10. Atkins RC, Briganti EM, Lewis JB, Hunsicker LG, Braden G, Champion de Crespigny PJ, DeFerrari G, Drury P, Locatelli F, Wiegmann TB, Lewis EJ: Proteinuria reduction and progression to renal failure in patients with type 2 diabetes mellitus and overt nephropathy. Am J Kidney Dis 2005, 45:281–287.

11. Brenner BM, Cooper ME, de Zeeuw D, Keane WF, Mitch WE, Parving HH, Remuzzi G, Snapinn SM, Zhang Z, Shahinfar S, RENAAL Study Investigators: Effects of losartan on renal and cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes and nephropathy. N. Engl. J. Med. 2001, 345:861–869.

12. Lewis EJ, Hunsicker LG, Clarke WR, Berl T, Pohl MA, Lewis JB, Ritz E, Atkins RC, Rohde R, Raz I, Collaborative Study Group: Renoprotective effect of the angiotensin-receptor antagonist irbesartan in patients with nephropathy due to type 2 diabetes. N Engl J Med 2001, 345:851–860.

13. Patel A, ADVANCE Collaborative Group, MacMahon S, Chalmers J, Neal B, Woodward M, Billot L, Harrap S, Poulter N, Marre M, Cooper M, Glasziou P, Grobbee DE, Hamet P, Heller S, Liu LS, Mancia G, Mogensen CE, Pan CY, Rodgers A, Williams B: Effects of a fixed combination of perindopril and indapamide on macrovascular and microvascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus (the ADVANCE trial): a randomised controlled trial. Lancet 2007, 370:829–840.

14. Barnett AH, Bain SC, Bouter P, Karlberg B, Madsbad S, Jervell J, Mustonen J, Diabetics Exposed to Telmisartan and Enalapril Study Group: Angiotensin-receptor blockade versus converting-enzyme inhibition in type 2 diabetes and nephropathy. N Engl J Med 2004, 351:1952–1961.

15. Bakris GL, Smith A: Effects of sodium intake on albumin excretion in patients with diabetic nephropathy treated with long-acting calcium antagonists. Ann Intern Med 1996, 125:201–204.

16. Houlihan CA, Allen TJ, Baxter AL, Panangiotopoulos S, Casley DJ, Cooper ME, Jerums G: A low-sodium diet potentiates the effects of losartan in type 2 diabetes. Diabetes Care 2002, 25:663–671.

17. Esnault VLM, Ekhlas A, Delcroix C, Moutel M-G, Nguyen J-M: Diuretic and enhanced sodium restriction results in improved antiproteinuric response to RAS blocking agents. J Am Soc Nephrol 2005, 16:474–481.

18. Mann JFE, Schmieder RE, McQueen M, Dyal L, Schumacher H, Pogue J, Wang X, Maggioni A, Budaj A, Chaithiraphan S, Dickstein K, Keltai M, Metsärinne K, Oto A, Parkhomenko A, Piegas LS, Svendsen TL, Teo KK, Yusuf S, ONTARGET Investigators: Renal outcomes with telmisartan, ramipril, or both, in people at high vascular risk (the ONTARGET study): a multicentre, randomised, double-blind, controlled trial. Lancet 2008, 372:547–553.

8 commentaires

  1. excellente mise au ponit
    juste une remarque : le terme de protéinurie est plus approprié que celui de macroalbuminurie, trop souvent utilisé
    très cordialement
    ok

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  2. bonjour
    je suis tres flatter par la qualité de vos presentations
    j’aimerais bien en profiter
    je suis un jeune resident de nephrologie au cameroun en première année

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  3. Bonjour, super article. J’aurai juste une petite question:J’ai lu dans le CUEN qu’une des complications de la ND est l’hyperkaliémie due à un hyporéninisme-hypoaldostéronisme. Sauriez-vous par quel mécanisme?

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