Nous avons parlé ce jour de chronothérapie au journal-club avec un article sur l’effet d’une prise vespérale d’anti-hypertenseur.
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Revenons tout d’abord sur quelques dates dans les rythmes biologiques qui sont connues depuis l’Antiquité. Les premiers écrits concernant la description de rythmes circadiens remontent au 4e siècle avant J.-C. Durant les marches de l’armée d’Alexandre le Grand, le scribe Androsthènes décrit le comportement nycthéméral des feuilles du tamarinier; celles-ci s’ouvraient le jour et se refermaient la nuit. Ce rythme fut interprété comme un simple réponse passive à un environnement cyclique.
Le physiologiste et médecin italien Santorio Santorio (1561-1636) fut l’un des premiers à utiliser des instruments de mesure précis en médecine, tel que le thermomètre et à mettre en évidence un rythme circadien chez l’homme.
En 1729, l’astronome français Jean-Jacques d’Ortous de Mairan démontra pour la première fois la nature endogène des rythmes circadiens en remarquant que même si elles n’étaient pas au soleil, les plantes ouvrent leurs feuilles le jour et les replient la nuit.
Le naturaliste suédois Carl von Linné étudia, en 1751, les moments d’ouverture et de reploiement des pétales de chaque espèce de fleurs. Comme chaque fleur avait un mouvement propre et prédictible, il conçut une « horloge naturelle » en cultivant dans des endroits appropriés de son jardin les fleurs qui ouvraient et fermaient leurs pétales à des moments spécifiques de la journée. En inspectant son jardin, il pouvait donc connaître l’heure. Plus besoin de montre!
En 1935, Erwin Bunning démontre que la période en cours libre du rythme circadien des plantes et des insectes était héritée génétiquement, en croisant des parents de périodes endogènes différentes.
En 1959, Franz Halberg proposera le terme « circadien » (littéralement « autour d’un jour ») pour qualifier ces rythmes dont la période endogène est d’environ 24h. Il est aussi souvent considéré comme le fondateur de la chronobologie, domaine de la biologie qui prendra officiellement naissance lors de la grande conférence de Cold Spring Harbor en 1960. Halberg est l’un des premiers chercheurs à avoir étudié l’influence de l’heure d’administration des médicaments sur son efficacité.
Aujourd’hui, le mécanisme moléculaire des horloges circadiennes, leurs liens avec d’autres systèmes biologiques (tels que le cycle de division cellulaire) et leurs implications dans de nombreuses fonctions physiologiques font l’objet de multiples investigations.
J’avais déjà parlé de l’avantage de prendre le calcitriol le soir – chronothérapie et vitamine D – pour le contrôle du bilan phospho-calcique.
Dans le cadre de l’hypertension artérielle, un certain nombre d’études a montré une différence d’efficacité du traitement anti-hypertenseur en fonction du moment de sa prise dans la journée.[1] Par exemple, la prise d’un bloqueur du SRAA le soir est plus efficace que la prise le matin. [2]D’autres études ont montrées que la prise d’au moins un traitement anti-hypertenseur le soir, comparé à la prise de tout le traitement le matin est associée avec un meilleur contrôle de la TA, une diminution des nondipping et une diminution de la protéinurie.[3]
Hermida et coll. se sont intéressé au contrôle de la tension artérielle lors de la prise d’au moins un médicament anti-hypertenseur le soir (groupe soir) chez des patients hypertendus avec insuffisance rénale chronique de stade 3 vs la prise de tous les traitements le matin (groupe matin).[4]
661 patients hypertendus avec IRC de stade 3 ont été évalués sur une période moyenne de 5.4 ans avec une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) sur 48h et une actigraphie (méthode de surveillance non invasive des cycles de sommeil et d’éveil).
Les résultats montrent dans le groupe soir une meilleure évolution de la fonction rénale, une diminution de la protéinurie, un meilleur contrôle de la TA la nuit avec moins de nondipper et surtout une diminution significative des événements cardiovasculaires.
Un meilleur contrôle de la TA nocturne est associé à une diminution des événements cardiovasculaires et doit devenir un nouveau but thérapeutique dans la prise en charge de l’hypertension artérielle.
Source
1. Smolensky MH, Hermida RC, Ayala DE, Tiseo R, Portaluppi F: Administration-time-dependent effects of blood pressure-lowering medications: basis for the chronotherapy of hypertension. Blood Press Monit 2010, 15:173–180.
2. Hermida RC, Ayala DE, Fernández JR, Portaluppi F, Fabbian F, Smolensky MH: Circadian rhythms in blood pressure regulation and optimization of hypertension treatment with ACE inhibitor and ARB medications. Am J Hypertens 2011, 24:383–391.
3. Hermida RC, Ayala DE, Fernández JR, Calvo C: Chronotherapy improves blood pressure control and reverts the nondipper pattern in patients with resistant hypertension. Hypertension 2008, 51:69–76.
4. Hermida RC, Ayala DE, Mojon A, Fernandez JR: Bedtime Dosing of Antihypertensive Medications Reduces Cardiovascular Risk in CKD. J Am Soc Nephrol 2011, 22:2313–2321.
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