L’hypertension intra-abdominal (HIA) est un concept bien connu par nos collègues intensivistes depuis plus de 15 ans. Il y a malheureusement peu de littérature néphrologique qui mentionne que l’HIA peut provoquer une insuffisance rénale aiguë!
La société mondiale pour le syndrome du compartiment abdominal (World Society of Abdominal Compartment Syndrome = WSACS @ www.wsacs.org) définit l’HIA comme une valeur de pression intra-abdominale (PIA) de ≥ 12 mmHg et le syndrome du compartiment abdominal (SCA) comme une PIA de > 20 mmHg.
Le SCA était initialement considéré comme un phénomène purement post-chirurgical. Ce SCA primaire, généralement aigu ou sub-aigu, arrivait suite à une lésion ou une maladie de l’abdomen ou de la région pelvienne. On a, petit à petit, identifié des causes extra-abdominales responsable d’un SCA secondaire. Ces causes se retrouvent généralement chez des patients recevant une hydratation généreuse (choc septique, capillary leak syndrome et grand brûlé). Une acidose, une hypothermie, une hypotension artérielle, une coagulopathie et une transfusion de plus de 10 CE en 24h sont des facteurs de risque reconnus pour développer un SCA secondaire.
La compréhension des mécanismes physiopathologiques entraînant une IRA chez les patients avec HIA/SCA a permis de mettre en place une prise en charge adéquate.(1) Le concept de pression de perfusion abdominale (PPA) a été introduit pour expliquer la réduction de perfusion des organes intra-abdominaux. Elle représente la différence entre la tension artérielle moyenne (TAM) et la PIA. Ainsi, un patient avec une PIA de 15 mmmHg et une TAM de 60 mmHg va avoir une PPA de 45 mmHg suffisante pour provoquer une hypoperfusion des reins et une IRA. Un second mécanisme important semble être la congestion veineuse rénale. Etant donné que le réseau capillaire post-glomérulaire a une pression hydrostatique de < 11 mmHg, une PIA de ≥ 12 mmHg transmise par la veine rénale va entraîner une congestion au niveau cortico-médullaire et affecter la fonction rénale.
Pour mettre en évidence un SCA, il faut le suspecter et le rechercher!
Cela se fait à l’aide d’une sonde urinaire et un protocole minutieux doit être mis en place dans chaque unité de soins intensifs pour permettre de mesurer de la PIA.
Un SCA non traité est invariablement fatal et la décompression chirurgical est le traitement de choix. Pour empêcher d’en arriver à cette extrémité un certain nombre de mesures peuvent être mises en place pour empêcher que la PIA augmente.
- Améliorer la compliance de la paroi abdominale: sédation et antalgie, curarisation, éviter une tête de lit à >30°
- Evacuer les collections liquidiennes intra-abdominales: paracentèse, drainage percutané
- Evacuer le contenu intra-luminal: décompression par sonde naso-gastrique et/ou rectale, agent pro-cinétique
- Corriger un bilan positif: éviter un remplissage trop généreux, diurétiques, privilégier colloïde (chez patient brûlé), hémodialyse/ultrafiltration
- Support hémodynamique et diminution «capillary leak»: maintenir PPA > 60 mmHg avec vasopresseurs, optimaliser la ventilation, antibiotique chez patients avec sepsis (!)
Source:
- Mohmand H, Goldfarb S. Renal dysfunction associated with intra-abdominal hypertension and the abdominal compartment syndrome. J Am Soc Nephrol 2011 Apr.;22(4):615–621.
- NephroSAP® volume 10 – number 3 – may 2011 – Acute Kidney Injury and Critical Care Nephrology